Le déploiement du dispositif de caméras intelligentes sur l’ensemble des bâtiments départementaux a enfin démarré. Fin septembre 2017, le conseil départemental avait annoncé son projet de créer une plateforme commune de vidéoprotection captant les images de caméras dernier cri installées dans les collèges, casernes de pompiers et même les rues des communes qui le souhaitent. Si, en 2017, le Département affichait la volonté de démarrer la période test de ce dispositif dès janvier 2018, le projet aura pris du retard en raison de difficultés techniques rencontrées.

Le Centre départemental de surveillance des images (CDSI) a finalement été mis en fonction fin décembre et centralise actuellement les images de trois collèges, d’une caserne de pompiers et d’un bâtiment départemental. La généralisation aux autres établissements yvelinois doit quant à elle débuter à la fin du premier trimestre 2019. Mais l’objectif, affiché en 2017, que les images des communes le souhaitant puissent être reliées à cette plateforme départementale de vidéoprotection, se heurte quant à lui à un blocage d’ordre juridique, qui reste encore à être levé.

Fin 2017, l’annonce avait été faite de l’intention du conseil départemental yvelinois de se doter d’un système de vidéoprotection d’un nouveau genre, qui permettrait de centraliser en un seul et même lieu les images de caméras positionnées sur l’ensemble du territoire. Selon plusieurs articles de 2017, le conseil départemental prévoyait alors d’installer au total près de 4 000 caméras dernier cri dans les 262 communes yvelinoises. La facture totale de l’opération était estimée à 13 millions d’euros.

Ce dispositif était alors présenté comme une réponse « à l’augmentation des incivilités et du risque terroriste de ces dernières années », indiquait le Département en septembre 2017. Il est présenté comme « innovant » de par l’idée de centraliser les images à un seul endroit, et en raison de la nature des caméras déployées.

« Ce sont des caméras innovantes car elles sont en très haute définition, certaines sont des caméras thermiques, permettent de détecter de jour comme de nuit le passage de quelqu’un, certaines sont fixes, d’autres pilotables à distance, etc (des caméras permettant de lire les plaques d’immatriculation sont également étudiées, Ndlr) », détaille Laurent Rochette, directeur d’Yvelines numériques, l’antenne du Département et des intercommunalités pour porter les projets numériques, dont celui du système de vidéoprotection. Les images sont ensuite centralisées vers le CDSI où elles sont traitées, analysées et stockées.

Mais il ne s’agit pas d’une surveillance constante où les agents employés par le Département contrôlent en permanence les images des caméras. Dans les faits, les agents regroupés dans ce centre de surveillance sont la plupart du temps face à des écrans noirs, qui ne s’allument que lorsque les algorithmes détectent une situation anormale dans l’un des lieux surveillés. Si la situation le nécessite, l’opérateur va alors prévenir les secours ou les forces de l’ordre.

Trois collèges, une caserne de pompiers et un bâtiment départemental sont déjà sous l’oeil des caméras du système de vidéoprotection du Département.

Près d’un an après la date prévue, le fameux CDSI, dont l’emplacement est tenu confidentiel, a été mis en fonction le 21 décembre dernier et une première phase pilote a débuté avec quelques sites surveillés. Le CDSI reçoit actuellement les images de « trois collèges, une caserne de pompiers et un bâtiment départemental », ce qui permet « d’avoir un éventail de bâtiments de natures différentes », explique le directeur d’Yvelines numériques. Mais pourquoi un tel retard, et pourquoi aucune ville n’est encore reliée au dispositif ? Parce qu’au regard de la nature « innovante » du projet, des difficultés imprévues ont dû et restent encore à être surmontées.

« Nous avons pris du retard parce que c’était complexe techniquement, notamment toute les questions de filtre d’images, c’est long à paramétrer, à comprendre comment ça fonctionne, souligne Laurent Rochette. C’est un projet qui met en œuvre des technologies nouvelles et innovantes, et finalement personne ne les maîtrise complètement, il faut apprendre en marchant, donc ça nous prend un peu plus de temps que ce qu’on avait imaginé au départ. Mais on y est arrivé. »

Il confie également des difficultés de recrutement : « On s’est rendu compte que de bons agents de vidéoprotection, c’était parfois difficile à trouver. » Selon Laurent Rochette, quatre agents ont déjà été recrutés, sur les « six » prévus « pour arriver à faire des roulements sept jours sur sept et 24 heures sur 24 ». Ces problématiques ont donc progressivement pu être résolues et les premiers sites bénéficient désormais du système de vidéoprotection. Et d’ici quelques mois, il va continuer à être déployé.

« La phase pilote va durer jusqu’à la fin mars à peu près, et d’ici là, tout aura été préparé pour que la généralisation soit engagée, prévoit Laurent Rochette, avec un programme 2019 qui est de 45 collèges et d’une demi-douzaine de sites des pompiers. Pour les sites départementaux (les différents bâtiments du conseil départemental, Ndlr), ce sera en fonction de la demande. » Et de poursuivre : « L’engagement sur les collèges est d’avoir terminé les 116 collèges à la fin 2020. » L’objectif à terme reste de couvrir « l’ensemble des collèges, des sites du SDIS (Service départemental d’incendie et de secours, Ndlr) et des sites départementaux », ce qui représente plus de 200 sites.

Si la surveillance des collèges, casernes et sites départementaux (trois types de lieux dont le conseil départemental a la gestion, Ndlr) est désormais sur de bons rails, c’est du côté de l’intégration des images des caméras des communes que cela bloque. Sur son site d’information, le conseil départemental affichait en 2017 la volonté que « l’ensemble des 262 communes des Yvelines » soient connectées à la plateforme de vidéoprotection, avec Jouars-Pontchartrain en premier village test. Sauf que depuis, cette volonté se heurte à la législation.

« Nous rencontrons une difficulté d’ordre juridique, […] aujourd’hui [les services de l’État] nous disent ‘‘vous ne pouvez pas voir les images qui sont sur la voie publique des communes’’, regrette Laurent Rochette. Et cela même si la commune souhaite être raccordée au dispositif départemental, « parce que ça fait partie du pouvoir de police du maire, et ça, il ne peut pas le transférer à qui que ce soit », explique-t-il, même s’il précise : « On n’a pas le pouvoir de police et on ne l’exerce pas, on rend un service au maire. »

« Juridiquement, le cadre n’est pas adapté car il date d’une époque où tout cela n’était pas possible, estime-t-il. Aujourd’hui, l’État nous explique qu’il y un point de blocage sur ce sujet […] donc on travaille dessus, on a vraiment cette barrière juridique à lever. » Un point sur lequel le Département essaye de faire bouger les lignes : « Quelqu’un qui commet un cambriolage ou une agression, il ne cherche pas à savoir s’il est sous le regard des caméras bâtimentaires ou sous celles de la voie publique … Donc il faut un continuum de sécurité, c’est comme ça que l’on va donner de l’efficience. »

Mais en attendant une potentielle évolution du cadre juridique, Yvelines numériques poursuit son accompagnement des villes qui souhaitent s’équiper de caméras. « On n’a pas le droit d’opérer la vidéosurveillance dans les communes, mais malgré tout, on travaille avec certaines pour les conseiller dans l’installation de vidéoprotection, et elle peuvent s’appuyer sur nos marchés et s’équiper de manière autonome », note cependant le directeur d’Yvelines numériques, qui confirme la possibilité de raccorder ces caméras au dispositif départemental si un changement de législation survenait.

Damien Guimier

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