Sa localisation restera secrète, mais le Centre départemental de supervision des images (CDSI), créé en 2017 et piloté par Seine-et-Yvelines numérique – l’opérateur interdépartemental en charge du développement des services numériques pour les Yvelines et les Hauts-de-Seine – a pour but d’assurer la protection des biens et des personnes dans les Yvelines et de protéger les 113 collèges yvelinois, les casernes de pompiers et les bâtiments départementaux yvelinois. Pour l’heure, elle a sous sa supervision 66 collèges – dont 18 de Saint-Quentin-en-Yvelines –, 13 bâtiments départementaux, et quatre Sdis (Service départemental d’incendie et de secours), supervisés grâce à 1 200 caméras en exploitation.

Des caméras à la pointe de la technologie. « Nous sommes les seuls en France à proposer ce service, souligne Isabelle Damas, responsable du centre de supervision. Nous avons équipé l’ensemble des collèges et des bâtiments départementaux des Yvelines. Les caméras dites thermiques (en noir et blanc, Ndlr), nous permettent, en dehors des horaires d’ouverture des établissements, de détecter toute intrusion : la présence d’un homme, d’un canidé, d’un véhicule ou d’un vélo… L’opérateur vidéo va avoir à l’affichage cette caméra, qui va être couplée avec la même caméra mais en couleur, ce qui lui permet de faire une description précise et de diligenter les forces de l’ordre qui interviennent dans un laps de temps très court. »

« Nous avisons ensuite les directeurs des établissements, si des dégradations sont constatées, ils vont déposer plainte, poursuit-elle. Sur réquisition judiciaire le CDSI fournit les enregistrements aux forces de l’ordre, les opérateurs vidéo rédigent un rapport d’information pour tout déclenchement, ce rapport est joint à la procédure. »

« Concrètement, l’officier de police judiciaire, lorsqu’il va récupérer l’extraction vidéo, […] a juste à lire la procédure de l’opérateur vidéo, et il a toutes les informations, » ajoute la responsable du centre.

« Non, ce n’est pas Big Brother »

Seine-et-Yvelines numérique a également équipé l’ensemble de ses sites de boutons d’appel d’urgence. Les directeurs ou le personnel des établissements peuvent ainsi donner l’alerte en cas de situation dangereuse. Ces boutons sont associés à une caméra. « Cela remonte automatiquement au CDSI, donc là, les opérateurs vidéo font une levée de doutes, et préviennent les forces de l’ordre si nécessaire », indique Isabelle Damas, ajoutant que ces opérateurs sont « formés au langage corporel », qui « en dit beaucoup sur l’action qui va être commise ». Ils sont au nombre de six et se relaient par binôme 24 h sur 24 et sept jours sur sept.

Le CDSI espère obtenir d’ici la fin de l’année l’exploitation des 113 collèges du département, contre 66 à l’heure actuelle. « Chaque collège est soumis à une autorisation en préfecture. Au fur et à mesure, nous intégrons les nouveaux collèges, explique Isabelle Damas. Une fois que nous aurons intégré tous les collèges, tous les bâtiments départementaux et les SDIS, nous aurons en exploitation 3 500 caméras. »

Mais cela prend du temps en raison de la réglementation très stricte, notamment dans les collèges. « Nous commençons par aller au conseil d’administration de chacun des collèges (composé du chef d’établissement et de représentants des parents et des professeurs, Ndlr), expose Laurent Rochette, directeur général de Seine-et-Yvelines numérique. Il faut que le conseil d’administration donne son accord […]. Il est arrivé de manière extrêmement marginale qu’il y ait un désaccord, auquel cas on installe la vidéoprotection simplement sur le périmètre du collège. Mais dans l’énorme majorité des cas, il y a un accord […] qui nous permet de vidéoprotéger en respectant les règles de la Cnil (Commission nationale de l’informatique et des libertés). »

« Une fois que nous avons cet accord, nous faisons l’étude, poursuit Laurent Rochette. Il faut venir sur site, bien comprendre l’architecture du bâtiment, où il peut y avoir des points de fragilité en termes d’intrusions. Nous faisons l’étude, le chiffrage, puis l’installation. Ensuite, il y a toujours un temps mort, car toutes les caméras qui sont sur le périmètre du collège sont soumises à autorisation de la préfecture. À partir du moment où on voit ne serait-ce qu’un tout petit morceau de la voie publique, […] c’est ce qu’on appelle les abords immédiats […] . Il faut organiser une réunion avec un magistrat, un représentant de la préfecture, un représentant de la police ou de la gendarmerie. On montre la manière dont on va filmer les abords immédiats, on démontre qu’on respecte la vie privée, […] à ce moment-là, on a l’autorisation [de la préfecture], et […] on peut rentrer en exploitation. »

Autant de procédures draconiennes qui rendent donc les délais très longs avant l’exploitation des caméras. « C’est six à neuf mois, pour un site », selon Laurent Rochette, qui précise que les procédures sont donc enclenchées pour plusieurs établissements en parallèle. Sans oublier non plus que pour chaque site sous vidéoprotection, il faut le signaler par des panneaux. Autant de contraintes, qui font dire au directeur général de Seine et Yvelines numérique que « non, ce n’est pas Big Brother ». « Non seulement ce n’est pas Big Brother, mais par rapport à la situation antérieure, dans laquelle chaque collège avait son petit système, on respecte globalement bien mieux la loi, assure-t-il. Ici, tout est centralisé, on connaît bien la réglementation, on a des gens formés qui respectent les procédures. »

Et les retours des chefs d’établissement sont plutôt positifs, assure-t-on au CDSI. « Nous avons 100 demandes de relecture par trimestre environ, affirme Laurent Rochette. Un quart de ces demandes de relecture (par le principal, Ndlr) donne lieu à un dépôt de plainte. Ce sont des choses qui n’étaient pas traitées avant. […] Nous apportons un niveau de sécurité supérieur, car petit à petit la vidéoprotection de ces bâtiments devient de notoriété publique. Ça ne permet pas de tout éviter, […] mais nous sommes un bon maillon de la chaîne en termes d’élucidation. »

« Au-delà de ça, il y a une réponse qui est faite aux victimes », souligne quant à elle Isabelle Damas, alors que rixes, cambriolages, stupéfiants, tentatives d’enlèvement, incendies, dégradations volontaires de la part de personnes exclues du collège, et même des situations plus inattendues comme un réseau de vol de trottinettes, se sont déjà retrouvés sous l’œil des caméras du CDSI.

D’une manière générale, la responsable du centre rappelle que le CDSI, « travaille sur un mur d’images qui est éteint ». « En règle générale, vous avez le logo Seine-et-Yvelines numérique [sur l’écran], et lorsqu’une alarme est détectée par notre système, l’image apparaît, précise-t-elle. Nous n’avons pas pour vocation de regarder en temps réel l’ensemble des caméras. »

Outre les collèges et les Sdis, d’autres sites sont sous la vidéoprotection du CDSI : PMI, territoires d’action sociale, et « on va récupérer le centre médico-social », fait savoir Isabelle Damas. En attendant, peut-être, de commencer à intégrer les images des communes qui le souhaitent. Seine-et-Yvelines numérique espère « enclencher ça à partir de 2022 », d’après Laurent Rochette, alors que sur ce point il se heurtait à un blocage juridique.

Exploitation des premières images communales à partir de l’année prochaine ?

« Nous avons beaucoup travaillé le sujet, en expliquant à un certain nombre de [pouvoir publics] en quoi c’est une réponse à une problématique d’aujourd’hui, et que les textes qui régissaient le contexte de la vidéoprotection sont des textes datés, évoque le directeur général de Seine-et-Yvelines numérique. Le contexte ayant évolué, forcément, les réponses doivent évoluer. D’abord en termes de sécurité et de civilité, le contexte n’est pas le même. Et puis, aujourd’hui, les collectivités ont des moyens largement réduits. Donc la mutualisation est une bonne réponse. […] On a porté ce message pendant plusieurs années, et nous avons fini par être entendus. Dans le cadre de la loi de sécurité globale […], l’article 42 dit que les syndicats mixtes ont la possibilité, dorénavant, d’opérer de la vidéoprotection urbaine mutualisée. »

Laurent Rochette avance aussi des chiffres concernant l’argument financier : le coût global d’installation du CDSI – financé par le Département et par le Sdis pour les casernes – s’élève à « une quinzaine de millions d’euros », et le coût d’exploitation à « 700 000 euros à l’année ». « C’est exactement ce que dépenserait une ville qui aurait trois opérateurs 7 j sur 7, 24 h sur 24 », affirme-t-il.