Le jour J est arrivé. C’est ce mardi 15 janvier que doit être donné le coup d’envoi du Grand débat national, souhaité par le gouvernement depuis décembre en réponse à la crise sociale et au mouvement des gilets jaunes. La première étape, qui consiste à recueillir et faire remonter les revendications des citoyens via des cahiers de doléances installés dans les mairies, touche à sa fin. L’occasion de faire un premier bilan des retours d’habitants dans les communes ayant joué le jeu de ce type de consultation, et de voir au contraire pourquoi d’autres n’y ont pas pris part. Le territoire de SQY est assez représentatif de ces différents cas de figure.

Au moins la moitié des communes de l’agglomération a consulté ses habitants en vue du Grand débat national. Villepreux et Voisins-le-Bretonneux avaient ouvert la voie (lire notre édition du 18 décembre), imitées par Guyancourt, Les Clayes-sous-Bois, Maurepas ou encore Magny-les-Hameaux. « Ça fait plusieurs années que les Français ne s’exprimaient pas, on ressasse, puis ça explose, explique Stéphane Mirambeau, maire SE de Villepreux. Tout ce qui va vers plus de concertation et de travail ensemble, reprendre le contact, […] ça ne peut qu’aller dans le bon sens. Donc, il n’y a pas de raison que l’on dise non quand c’est une initiative qui est faite pour que ça aille mieux. »

L’édile, qui avait annoncé il y a quatre mois son ralliement à LREM (voir La Gazette du 18 septembre), estime qu’« il faut jouer le jeu pour que les Français puissent s’exprimer » mais souligne que « le risque après, c’est que ce qui ressort de cette grande consultation, c’est “moins d’impôts et plus de prestations sociales” ». Il a indiqué le 9 janvier face à la presse avoir reçu « une dizaine de retours » dans ces cahiers, avec justement des thématiques tournant beaucoup « autour de moins d’impôts, moins de taxes, moins d’élus, plus de prestations sociales ».

Mais il prévient : « Il va falloir que l’on tire des choses particulièrement intéressantes ». Et de citer notamment l’exemple de la réduction du nombre d’élus : « Je pense que c’est une piste, mais pas ce qui va redresser la France et permettre de donner plus de prestations et rendre beaucoup plus efficaces nos aides sociales. » Il assure cependant qu’il ne prendra « absolument pas parti pour un choix ou l’autre », estimant que le rôle des élus « est d’être le plus neutre possible et de laisser les gens s’exprimer, de prendre en considération ce qu’ils nous disent. »

Sa collègue guyancourtoise, Marie-Christine Letarnec (DVG), insiste également sur l’importance de « laisser les gens s’exprimer ». « Si on ne les laisse pas le faire, c’est comme ça qu’il y a de la casse, insiste-t-elle. Donc je mets à disposition ce cahier des doléances et je m’engage à le remonter à la préfecture qui le remontera au gouvernement. » Elle regrette néanmoins que le gouvernement «  ne souhaite pas forcément s’appuyer sur les maires », car « c’est compliqué pour les gens, […] nous, élus municipaux, on est au contact donc on le sent bien ». La commune a enregistré « pas mal de retours » sur des thèmes comme « le logement » et «  beaucoup de retours sont contre les décisions du gouvernement », d’après la maire.

Bertrand Houillon, édile Génération.s de Magny-les-Hameaux, se montre lui encore plus critique vis-à-vis du gouvernement. « Pour l’instant, ce sont plus des grandes interrogations que des certitudes de consultation, surtout dans tous les épisodes qui se multiplient ces derniers jours, des revirements de situation, une Commission nationale du débat public qui un coup le fait, un coup se retire et un coup ne le fait qu’à moitié, un gouvernement qui tire le truc avec une franche impression que le débat est biaisé de base et qu’on ne changera rien à des objectifs, et avec une surdité absolue qui dure depuis des mois et qui met la France à feu et à sang. »

« Ça tourne beaucoup autour de moins d’impôts, moins de taxes, moins d’élus, plus de prestations sociales », résume Stéphane Mirambeau, maire SE de Villepreux au sujet des thèmes listés dans ces cahiers.

Il justifie néanmoins la mise en place d’un cahier de doléances dans sa commune pour « que les gens ne confondent pas ce qu’ils ont à demander au gouvernement et à l’État avec ce qu’on a régulièrement l’habitude de discuter avec eux au niveau de la commune (un cahier regroupant des requêtes liées à des sujets de compétence municipale est également en place, Ndlr) ».

Le cahier de doléances destiné au gouvernement y a été mis en place mi-décembre. « Je n’ai pas du tout regardé ce qui a été écrit par les habitants et je ne mettrai pas mon nez dedans avant le 15 [janvier] », fait savoir l’élu magnycois. Une date à laquelle il « récupérera tout ce qui a été noté » et rédigera « un courrier d’accompagnement que l’on enverra aux députés ».

D’autres communes ont également joué le jeu de consulter leurs habitants, mais en utilisant des noms différents. A Plaisir, on ne parle pas de cahiers de doléances mais de « cahiers d’idées pour la France ». La maire, Joséphine Kollmannsberger (LR), fait partie des 15 membres de l’association d’élus Génération terrain, fondée par le maire LR de Poissy, Karl Olive, reçus par Emmanuel Macron à l’Elysée le 7 décembre dernier.

« On avait dit lors de l’entretien qu’il était important d’avoir une concertation beaucoup plus large qu’avec un groupe comme nous ou quelques maires, nous a-t-elle confié en marge de ses vœux municipaux, le 9 janvier. Ça nous semblait indispensable de pouvoir écouter les gens sans forcément braquer sur certaines thématiques mais de façon très large. »

Elle évoque « une cinquantaine de contributions » dans sa ville, portant sur des « thématiques locales, comme les millefeuilles territoriaux, et bien sûr la fiscalité, […] mais on n’a pas entendu parler par exemple du mariage pour tous ou de la peine de mort ». Certaines sont déjà remontées. « On avait une conférence de presse avec Génération terrain [le 8 décembre] pour parler des contributions qu’on a faites […] et on a fait remonter ça au préfet, à Monsieur Larcher (président LR du Sénat, Ndlr) et à l’Élysée », détaille Joséphine Kollmannsberger.

Les gilets jaunes « n’arrivent pas à avoir de représentant, à se regrouper, donc ça devient très anarchique au niveau des remontées », analyse Joséphine Kollmannsberger, maire LR de Plaisir.

Elle espère que cette consultation permette de « renforcer la démarche citoyenne et républicaine sur tout ce qui est de nos structures à nous, c’est-à-dire l’élection » face à des gilets jaunes qui « n’arrivent pas à avoir de représentant, à se regrouper, donc ça devient très anarchique au niveau des remontées ». Elle souhaite aussi que « les gens puissent s’exprimer, […] prennent conscience que les élus sont quand même très importants et qu’il faut s’appuyer sur eux », et « qu’il y ait une reprise de conscience que les institutions d’aujourd’hui sont des institutions qui servent et sont utiles », tout en regrettant les fortes abstentions lors des différents scrutins électoraux.

Certaines villes ont plutôt opté pour une concertation en ligne, comme à Élancourt, où elle a été lancée à l’occasion de la vidéo des vœux du maire, Jean-Michel Fourgous (LR). D’autres ont carrément renoncé à mettre en place toute forme de consultation préalable au Grand débat national, que ce soit sous forme de cahier ou via internet. Certaines des communes ayant renoncé s’en expliquent, comme Trappes. « Nous n’avons pas eu de demande en ce sens de la préfecture et personne ne nous l’a demandé », justifie la municipalité trappiste dans un article du Parisien.

Du côté de Montigny-le-Bretonneux, la majorité explique longuement ce refus dans une tribune publiée dans le dernier journal municipal. « L’État, après avoir allumé le feu, demande aux élus locaux de jouer les pompiers, peut-on y lire. A eux d’assumer la collecte des doléances, d’organiser l’accueil, de faire remonter les attentes de la population. » Les élus de la majorité marquent leur désaccord avec cette demande qui, selon eux, « fait passer à la trappe » les députés alors que « la plupart des revendications que nous avons pu entendre ces dernières semaines concernent quasi-exclusivement le domaine législatif ». La majorité ignymontaine invite donc « tous ceux qui souhaitent adresser un message au gouvernement, à écrire à monsieur le député Didier Baichère ».

L’étape remontée des doléances achevée, la question des modes de déroulement des débats, encore très floue, va rapidement se poser. Plusieurs élus saint-quentinois se disent prêts à réunir leurs habitants. « On fera ce qu’il faut », assure Stéphane Mirambeau. « Je ne sais pas comment le gouvernement imagine de faire ça, mais il va bien falloir qu’il y ait des réunions, fait de son côté remarquer Joséphine Kollmannsberger. Si les Plaisirois me demandent des réunions dans les quartiers, je le ferai ». Elle ajoute toutefois qu’elle n’a, « pour le moment, […] pas de demande particulière » de ses habitants en ce sens. Par manque d’intérêt pour la consultation ? Un sondage d’Odoxa-Dentsu Consulting pour France info du 10 janvier révèle que 70 % des Français estiment que la grande consultation n’aboutira pas à des mesures utiles pour le pays.

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