L’Université Versaille-Saint-Quentin (UVSQ) à la conquête de la planète Mercure. Dans la nuit du 19 au 20 octobre, la fusée Ariane 5 ECA s’est envolée depuis le centre spatial guyanais. Elle a conduit hors de l’atmosphère terrestre le satellite Bepicolombo, porteur des deux sondes MPO et MMO qui contiennent deux instruments d’analyse fabriqués par des chercheurs de l’UVSQ. Piloté depuis l’agence spatiale européenne, le satellite commence à présent un voyage de sept ans vers Mercure, la plus petite planète du système solaire mais aussi la plus proche du soleil, avec des températures entre 300 et 400 degrés.

Financé à hauteur de sept millions d’euros par le centre national d’études spatiales français, il s’agit du premier voyage vers Mercure pour un satellite européen. Dans le ventre des sondes, parmi 16 instruments d’étude, se trouvent Picam et Phébus, deux outils fabriqués par le Laboratoire atmosphères, milieux, observations spatiales (Latmos), de l’UVSQ. Ils serviront à étudier l’exosphère (partie extérieure de l’atmosphère, Ndlr) de Mercure.

« Environ cinq chercheurs et une dizaine d’ingénieurs ont travaillé sur ce projet, commencé en 2004, explique Eric Quémerais, responsable scientifique de Phébus. Picam est un instrument dédié à l’étude des particules neutres énergétiques, il va mesurer un certain type de molécules. Il a été développé en collaboration avec un laboratoire de l’école d’ingénieurs polytechnique. »

L’instrument Phebus est pour sa part un spectromètre à ultraviolets, qui étudie la lumière ultraviolette invisible à l’œil nu. « Le spectromètre servira à étudier notamment les composantes ultraviolettes de l’exosphère, explique Eric Quémerais. On a une grande expérience dans tout ce qui est spectromètre à ultraviolets, car le laboratoire a déjà créé ce type d’instruments pour les missions Mars express, Venus express et mission Soho (satellite placé en orbite autour du soleil, Ndlr). »

Les analyses de Phébus serviront à étudier les interactions entre la magnétosphère de Mercure et le vent solaire, la poussière interplanétaire et le soleil. Les études de la composition chimique de l’exosphère éclairant sur la composition de la planète elle-même. « Plus globalement, continue Eric Quémerais, Bepicolombo peut aider à comprendre l’origine et la formation du système solaire. »

Les chercheurs du Latmos vont être chargés durant cette expérience d’envoyer des directives à l’agence spatiale européenne, basée à Darmstadt, en Allemagne, qui les transmettra à Phébus. En retour, les données transmises par Phébus seront transmises à l’agence spatiale qui les enverra au Latmos pour qu’elles soient étudiées. « Phébus ne va pas rester inactif pendant les sept ans de trajet jusqu’en 2025, il va commencer ses activités dès juillet 2019, en plein voyage. Il va être utilisé pour regarder les étoiles, j’espère faire un catalogue d’étoiles », confie Eric Quémerais.

Une fois en orbite autour de la planète, le satellite sera opérationnel entre un et deux ans, avant de s’écraser sur le sol de Mercure. Pour les chercheurs du Latmos, les expériences ne s’arrêtent pas là en revanche : « Nous avons construit un modèle de rechange de l’instrument Phébus, indique Eric Quémerais. On espère pouvoir l’utiliser sur la mission lunaire russe Luna 26, qui devrait partir en 2023 ou 2024. » Par ailleurs, le laboratoire prépare en parallèle un radar pour étudier la structure du sol de mars durant la mission européenne et russe Exomars, qui sera lancée en 2020.

CREDIT PHOTO : LATMOS/Jean-François Mariscal