Catholiques, juifs, musulmans, non-croyants, protestants … Près de 70 Saint-quentinois ont pris leur bâton de pèlerin, dimanche 8 juillet, pour une marche de la fraternité citoyenne passant par les différents lieux de culte d’Élancourt, Maurepas et Trappes. Ils ont parcouru une dizaine de kilomètres pendant toute la journée, de lieu de culte en lieu de culte, pour apprendre à se connaître, débattre et simplement partager un moment ensemble. Chez chacun, l’envie d’œuvrer à son échelle au « vivre ensemble » est palpable. « Du dialogue naît la paix, de la connaissance mutuelle peut jaillir l’amitié, clamait le tract d’invitation à cette marche. Alors, à vos chaussures de marches, à vos bâtons ! Ouvrons nos cœurs… »
A l’origine de cette initiative se trouvent Mourad Dali et Étienne Guillet. Le premier est président de l’association Alif, qui regroupe des centaines de musulmans d’Élancourt, ainsi que du Collectif des associations musulmanes de Saint-Quentin-en-Yvelines (Cam78), rassemblant une dizaine de mosquées de l’agglomération. Le second est le curé de l’église Saint-Georges à Trappes. Avec d’autres représentants de cultes environnants, notamment le père Maximilien de la Martinière de l’église de Maurepas, et Jacques Barros, président de l’association juive de Maurepas, ils sont coutumiers des moments interreligieux. Mais il s’agissait là de leur première marche reliant des lieux de culte (d’autres ont déjà été organisées précédemment, mais en forêt ou à l’Île de loisirs, Ndlr).
Le dimanche 8 juillet, dès 10 h devant l’église Notre-Dame de Maurepas, une cinquantaine de personnes sont présentes, le nombre fluctuant ensuite au cours de la journée, au gré des départs et arrivées. Un chiffre plutôt conséquent au vu de l’organisation tardive de la marche. « Il n’y a pas d’objectif de communication ou de nombre, l’objectif est d’échanger, rappelle le père Étienne Guillet, qui se satisfait quand même de l’affluence pour un dimanche de juillet. Chrétiens, juifs, musulmans, athées, … vont marcher ensemble avec pour base commune la fraternité citoyenne. C’est une preuve que l’engagement pour rencontrer l’autre nous habite. »
A chaque étape, le représentant religieux du lieu de culte en question explique les particularités de sa confession, répond aux interrogations, et se voit toujours poser la même question sur l’interprétation de cette marche de la fraternité citoyenne. Après des échanges, le père Maximilien de la Martinière a donc été le premier à y répondre : « Avec la notion de fraternité, personne ne doit être exclu de cette marche. Ce qui nous relie, pour certains c’est la croyance, mais c’est surtout que l’on vive ensemble sur le même territoire. »
Un point de vue partagé par l’ensemble des participants, comme Mourad Dali. « Il est important que les différentes religions participent pour dire que leur religion ne les empêche pas de faire partie d’un ensemble », confie le président d’Alif, en chemin vers la synagogue de Maurepas, deuxième étape de la journée. Ce dernier explique que l’idée de l’organisation de cette marche lui est venue notamment après la lecture de La Communauté, livre sur l’histoire récente de Trappes que de nombreux habitants ont critiqué.
« Je me faisais le constat que la situation était inquiétante. En tant que musulman, je me sens dans un climat pesant, avec des amalgames. Certains Français ont changé leur manière de voir leurs concitoyens musulmans, regrette Mourad Dali. Je le subissais et me demandais ce que l’on pouvait faire pour améliorer les choses et préparer l’avenir pour nos enfants. Nous nous sommes dit qu’au niveau local, on devait avoir des actions fortes. […] Donc, déjà, aller à la rencontre des autres confessions sur notre petit territoire. »
A l’issue du temps d’échanges à la synagogue de Maurepas, le président de l’association juive de Maurepas se satisfait d’une telle initiative. « J’espère que ça va mener à un vivre ensemble plus apaisé », escompte Jacques Barros, après une présentation du culte juif. Dans le cortège, tous semblent déjà convaincus par cette approche, et affichent l’envie de faire découvrir leur croyance, et de connaître celles des autres. En marchant, des groupes de personnes, qui ne se connaissaient pas forcément avant, se font et se défont.
« C’est bien d’être ensemble et de découvrir tous les lieux de culte. En fait, on ne connaît pas trop les autres religions, confirme André, membre de la communauté catholique de Trappes, alors qu’il entrait pour la première fois dans une synagogue. C’est important de découvrir des gens d’autres religions, car on a peut-être des a priori réciproques. » Il apprécie également le côté « pédagogique » de cette journée. Après la synagogue, les marcheurs reprennent la route vers la mosquée de l’association Alif, située dans la zone d’activité des IV arbres à Élancourt.
Tous, malgré leurs différences, mettent aussi en avant ce qui les rassemblent, avec toujours le « vivre ensemble » pour mot d’ordre. « Il faut promouvoir la fraternité, insiste Rachid, de la communauté musulmane d’Élancourt. Dans ce contexte difficile, il faut montrer les différentes facettes de la population française et montrer que le vivre ensemble est possible. »
Au fil des rencontres organisées depuis quelques mois, des liens se tissent en effet entre les participants. Lors d’une précédente marche, par exemple, Rachid avait discuté de son association caritative avec un membre de la communauté juive, qui lui avait fait un don par la suite. « Ça montre l’entraide et la solidarité qu’il peut y avoir entre les êtres humains, de toutes confessions », sourit Rachid.
Arrivés sur les coups de midi à la mosquée d’Élancourt, les participants sont invités à retirer leurs chaussures pour pénétrer dans le lieu, où Mourad Dali leur explique différentes facettes de sa religion. Face à l’assemblée, il confirme que pour les différents croyants ne connaissant pas les autres religions, il pourrait exister « au minimum des petites méfiances ». Lui, comme d’autres au long de la journée, insiste sur la nécessité de l’éducation. « La meilleure manière de comprendre l’Islam serait de se plonger dans le Coran, mais avec un guide, car ça ne se lit pas comme un roman », donne en exemple Mourad Dali.
Devant la porte d’entrée de la mosquée, Gilberte, catholique de Trappes, mise aussi sur la nécessité de découvrir les autres confessions. « Si chaque culte apprend à se connaître, il y a aura plus de respect, estime-t-elle. Je pense que chaque culte, on a déjà un point commun : c’est la foi. » Un point de vue également confirmé par Philippe, membre de la communauté juive, pendant le trajet menant au temple protestant de Maurepas, l’étape suivante.
« C’est en se connaissant que l’on va comprendre nos différences, et qu’il y a beaucoup plus de choses qui nous relient que de choses qui nous divisent », assure Philippe. Exemple récent à l’appui, il confirme que des manifestations comme cette marche sont nécessaires, pour un meilleur vivre ensemble : « A la synagogue, nous avons reçu il y a deux semaines une lettre antisémite. Comment est-ce encore possible de recevoir quelque chose comme ça ? »
Après la visite du temple protestant, les marcheurs se sont arrêtés pour déjeuner tous ensemble et échanger sur « comment les principes républicains nous donnent-ils de vivre nos convictions », avant de prendre la direction de l’église Saint-Georges de Trappes. Pour le père Étienne Guillet, la fraternité se construira par de telles actions, à l’échelle locale d’abord : « Ce n’est pas une fatalité de se regarder de loin », adresse-t-il en ouverture des échanges, lui qui espère que plus de communautés encore participeront aux prochains événements interreligieux. La discrimination vécue par les uns et les autres, l’éducation, le livre La communauté, les valeurs de la République, le traitement des médias, ont été autant de sujets évoqués pendant près d’une heure.
La journée s’est terminée à l’église de Trappes vers 19 h, après un dernier débat ayant pour thème « Comment l’an prochain faire grandir ensemble la fraternité ? ». Ce débat, comme la satisfaction des participants à l’issue de la journée, poussent les organisateurs à ne pas s’arrêter en si bon chemin. Ils souhaitent désormais réussir à toucher les jeunes, peu représentés à la marche de dimanche. « La prochaine étape possible est de trouver une solution pour intégrer les plus jeunes, prévoir des approches ludiques, pour intégrer les enfants et adolescents, et préparer le vivre ensemble pour les générations suivantes », prévoit Mourad Dali à l’issue de la marche.
La dernière étape de cette journée devait être l’ascension de la colline d’Élancourt, le plus haut point naturel de la région. Mais après la richesse et la longueur des débats, conjuguées à une journée de marche éprouvante, les participants ne sont pas allés jusque-là. Aussi, les organisateurs avaient à l’origine imaginé une marche de trois jours, qui aurait amené les Saint-quentinois jusqu’à Paris. Autant d’idées qui ne sont pas pour autant abandonnées pour le futur. « On va faire les choses progressivement, annonce le père Étienne Guillet. Rejoindre Paris, on le fera probablement l’an prochain, plus tôt dans la saison. »