Àquelques mois des Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024, l’Île de loisirs de Saint-Quentin-en-Yvelines se trouve dans une situation particulièrement délicate. Située entre deux sites olympiques majeurs dans les Yvelines, d’un côté la colline d’Élancourt qui va recevoir les épreuves de VTT et de l’autre le Vélodrome national (épreuves de cyclisme sur piste) et le stade de BMX, l’Île de loisirs n’a désormais plus de gouvernance. Le Smeag (Syndicat mixte d’exploitation, d’aménagement et de gestion), composé de trois élus de la région Île-de-France, trois élus du département des Yvelines et trois élus de l’agglomération de SQY, devrait être dissout, faute de combattant. Le président de l’Île de loisirs a démissionné et aucun accord entre les différentes parties n’a pour le moment pu être trouvé. Une situation sans doute temporaire, mais qui met en avant les difficultés financières traversées par cet équipement public depuis des années.

Une crise de gouvernance

Car, si la région Île-de-France, propriétaire des 12 Îles de loisirs de la région parisienne, en assure les investissements, le budget de fonctionnement, lui, était assuré jusque-là par le département des Yvelines et par l’agglomération de Saint-Quentin-en-Yvelines (SQY). Et depuis quelques années, le président du département des Yvelines, Pierre Bédier (LR), mettait en garde contre une possible sortie de sa collectivité de la gouvernance. En novembre 2022, il expliquait en conseil départemental qu’ils étaient « insatisfaits de l’organisation de la gouvernance de l’Île de loisirs de Saint-Quentin-en-Yvelines ».

« Des investissements pharaoniques ont été réalisés par le passé et ont généré des coûts prohibitifs et des déficits qui ne cessent de se creuser, dénonçait-il. Et si l’investissement est réalisé par la région Île-de-France, le fonctionnement, et donc le déficit, est pris en charge par le conseil départemental et par les Villes. C’est d’une très grande absurdité. L’État souhaiterait remettre à plat cette gouvernance et nous sommes d’accord pour accompagner les investissements de l’Île de loisirs et participer ponctuellement aux dépenses de fonctionnement, en rapport avec notre activité sociale. » Et d’ajouter : « Nous ne voulons pas continuer à payer uniquement les déficits. »

Le Smeag devrait être dissout, son président a démissionné et aucun accord entre les différentes parties n’a pour le moment pu être trouvé.

Une éventualité devenue réalité le 8 mars 2023 avec la sortie effective du Département du Smeag, provoquant, de fait, une crise de gouvernance. Dans ce contexte, consciente de « la nécessité de dépasser le modèle actuel qui grève le budget de fonctionnement des collectivités sans pour autant assurer le développement des activités et services des Îles de loisirs », comme l’a souligné la présidente de la Région, Valérie Pécresse (Libres), lors du dernier conseil régional de l’année, la région Île-de-France a lancé début 2023 « la démarche collaborative “Réinventons les Îles de loisirs”. Cette démarche, en collaboration étroite avec les acteurs du territoire, notamment les conseils départementaux et communautés d’agglomération des territoires des Îles de loisirs. Après une phase de brainstorming, elle a pu donner lieu à un Appel à manifestation d’intérêt (AMI) qui a recueilli 120 projets d’opérateurs privés et associatifs, pour l’ensemble des Îles de loisirs, permettant à la Région d’envisager un co-investissement sur des projets de long terme avec pour objectif une véritable relance des fondamentaux des Îles de loisirs. Pour SQY en particulier, de belles perspectives ont émergé de cet AMI, avec des projets prometteurs et attractifs pour les Franciliens. »

La présidente a également rappelé que ces espaces de loisirs et de nature, au bénéfice des Franciliennes et des Franciliens, devaient avoir des projets de développement adaptés autour des priorités régionales : « vocation sociale et de loisirs, tourisme populaire, adaptation au changement climatique et respect de la biodiversité ». En parallèle, la région Île-de-France et la communauté d’agglomération de Saint-Quentin-en-Yvelines ont travaillé de concert pour proposer une gouvernance renouvelée, adaptée aux circonstances et rendue nécessaire par le retrait du conseil départemental. L’objectif était d’investir dans un ambitieux projet de développement du site, dans la continuité de l’AMI.

De nombreux projets

Mi-décembre, cette nouvelle gouvernance a été soumise au conseil syndical du Smeag, qui l’a refusée. Une décision qui a fait bondir Patrick Karam, vice-président de la région Île-de-France chargé des Îles de loisirs. « Je ne sais pas ce que cette Île de loisirs, ses salariés, ses prestataires vont devenir, lance l’élu, contacté par La Gazette. Cette Île de loisirs est chaotique alors que toutes les autres fonctionnent bien. On nous empêche de prendre la main et de remettre de l’ordre et de la bonne gestion. Ailleurs, tous les Départements assument leur responsabilité. »

Mais le projet présenté ne semble pas avoir convaincu le Département, dont le président Bédier expliquait déjà que chacune des trois bases de loisirs du territoire devrait avoir une gestion spécifique et que la « gouvernance de l’Île de loisirs serait récupérée par Saint-Quentin-en-Yvelines et l’investissement assuré par l’État et le Département ». Et Patrick Karam de préciser que « le débat est très simple ; que voulons-nous pour les Îles de loisirs : un modèle social ou un modèle libéral ?. […] Avec Valérie Pécresse, nous voulons maintenir cette vocation sociale de l’île de loisirs. Cela n’empêche pas de vouloir faire des économies, mais cela ne se fait pas en claquant des doigts. Cela se fait en créant de nouvelles activités. »

Et la conséquence du refus du Smeag d’adopter cette gouvernance renouvelée a été la sortie de Saint-Quentin-en-Yvelines du syndicat mixte. Un vote qui a eu lieu le 14 décembre dernier lors du conseil communautaire. Résultat : le président du Smeag, par ailleurs élu de Montigny-le-Bretonneux, José Cachin, a remis sa démission.

Le retrait de SQY « entraîne de fait la dissolution de plein droit du syndicat mixte », indique Valérie Pécresse, assurant que la Région va « continuer à investir puissamment dans cette Île de loisirs ».

« […] Dès le début de mon mandat (2020), j’ai souhaité soumettre un projet d’envergure à l’ensemble de nos partenaires, un projet ambitieux, respectueux du cadre environnemental de l’Île de loisirs, explique José Cachin dans son communiqué. La Région souhaite, enfin, réinventer les Îles de loisirs et je salue cette initiative. Je considère, de par l’action de notre syndicat, ne pas être étranger à cette volonté. »

Et d’ajouter : « Néanmoins, les sorties successives du Département, tout récemment de l’agglomération de SQY ainsi que le retrait acté par la Région, témoignent qu’aucun accord n’a jusqu’à présent permis d’envisager des nouveaux statuts nécessaires à sa gouvernance. Ces deux retraits entraînent inexorablement la fin de ce syndicat mixte. Au vu de cette situation, de mes convictions, j’ai pris la décision de démissionner de mes fonctions de président du syndicat mixte. J’ai toujours défendu avec passion les intérêts de l’Île de loisirs de SQY et je continuerai à le faire tant que nécessaire. »

Des visions très différentes

De son côté, la présidente de la Région, assure que « ce retrait entraîne de fait la dissolution de plein droit du syndicat mixte, ce dernier ne pouvant fonctionner avec un seul membre, comme cela est précisé dans les statuts du syndicat mixte. La dissolution sera prononcée par un arrêté du préfet de département. Cette dissolution met fin automatiquement, à la date de l’arrêté préfectoral, à toutes les activités proposées par le syndicat mixte de l’Île de loisirs, ce dernier subsistant pour les seuls besoins de sa liquidation.  »

Valérie Pécresse a précisé dans un rapport que « par conséquent, la Région se voit dans l’obligation de se retirer à son tour de cette structure de gouvernance vidée de toute substance. Elle s’engage néanmoins, comme elle l’a toujours fait jusque-là, à continuer à investir puissamment dans cette Île de loisirs au profit des Franciliens, sur la base d’une nouvelle gouvernance conforme, dans son esprit, aux statuts rejetés le 13 décembre dernier et au projet ambitieux dessiné dans le cadre de l’AMI. » Affaire à suivre.

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