Le département des Yvelines est soucieux de renforcer concrètement et rapidement l’offre de soins locale. Acteur majeur du champ médico-social, il a donc décidé de lancer, via son opérateur Seine-et-Yvelines Numérique, un appel d’offres inédit de télémédecine. « Nous poursuivons notre intervention dans le domaine de la santé, même si cette compétence est à l’origine marginale pour le Département, a souligné de son côté, le président du Département, Pierre Bédier (LR). Si nous avons décidé d’accroître notre compétence dans ce domaine, c’est bien pour lutter contre le désert médical qui s’est malheureusement installé sur notre département. » Et d’ajouter : « Si le Département investit ainsi sur la santé, c’est aussi parce que ce domaine connaît des difficultés et que nous souhaitons apporter des réponses fortes. »

Cette question a notamment été abordée en juin puis le 21 octobre dernier, lors des conseils départementaux. « Cet appel à candidatures a pour objectif d’identifier les structures non départementales en capacité d’accueillir l’implantation du réseau de dispositifs de téléconsultation médical du Département, dans le cadre du projet Télémédecine 2022 », avait alors expliqué Laurent Richard (LR), 7e vice-président délégué à la santé.

La première étape consistera à déployer, en 2023, pas moins de 50 dispositifs de téléconsultation médicale fixes sur le territoire des Yvelines et au sein du « bus santé » de la collectivité. « Le déploiement d’un réseau de dispositifs de téléconsultation médicale se fera via un appel à candidatures auprès de structures non départementales », a-t-il expliqué. Le processus de sélection sera fait par un jury composé de cinq conseillers départementaux, deux agents du conseil départemental et un représentant de chacun des six partenaires : ARS, CPAM, APTA 78, Conseil de l’ordre, université de Saint-Quentin-en-Yvelines et Seine-et-Yvelines Numérique. « Ce dernier procédera à l’achat des dispositifs, à la vérification et la sécurisation des données médicales et au raccordement au réseau de fibres optiques, a continué Laurent Richard. Le financement du projet est assuré à 100 % par le Département. Tous les autres coûts sont à la charge de la structure d’accueil ». Le montant de l’investissement pour la première année est de 9 millions d’euros.

9 millions d’euros

C’est donc la start-up H4D qui a remporté l’appel d’offres concernant le déploiement de « Projets de territoire de santé ». La société française a été sélectionnée afin d’accompagner l’institution, durant quatre ans, à améliorer l’accès aux soins dans les territoires fragilisés par la désertification médicale. Elle aura pour mission d’accompagner la collectivité tout au long de la construction et du développement de ses « Projets de territoire de santé », qui visent à garantir un accès de qualité aux soins en médecine générale et de spécialité.
« H4D est une société qui a été créée par un médecin il y a une dizaine d’années. Suite à une expérience de terrain, il a découvert le besoin de consulter ses patients à distance. Cette idée est devenue un projet et une société, confie Valérie Cossutta, directrice Générale d’H4D. Nous travaillons avec une équipe médicale qui est devenue notre ADN. On est véritablement dans l’approche patient et médecin. On dit : « des deux côtés du stéthoscope ». Les dispositifs développés par H4D permettent aux médecins de poser un diagnostic clinique complet à distance. L’expérience patient est optimisée pour tenter de recréer au plus près les conditions d’une consultation en présentiel grâce à la formation appropriée délivrée aux médecins et au concentré technologique présent au sein de la cabine.

La cabine est composée d’un contenant « car, comme on a cet ADN médical, on veut recréer le colloque singulier pour que le médecin et le patient puissent être en tête-à-tête en toute confidentialité et que le médecin puisse procéder au questionnaire, explique Valérie Cossutta. C’est important, car c’est le démarrage même d’une consultation. Il y a un interrogatoire médical avant toute chose. » Le deuxième élément « est que dès que le patient entre dans la cabine, il va être identifié en mettant sa carte vitale comme dans le cabinet médical et le médecin va se connecter pour démarrer la consultation. »
Devant le patient, se trouveront tous les instruments médicaux. « D’un côté, tous les instruments de mesure et des instruments de spécialité, explique-t-elle. Il y a un accès à tous les instruments. C’est le médecin qui va générer la mesure et guider le patient. Quand il considère que le patient est dans la bonne position, il déclenche la mesure qui lui parvient directement. »

Le projet est récent mais « il y a une forte volonté du Département d’aller vite, indique-t-elle. Ils sont très organisés. Nous avons vu dans l’appel d’offres que c’est très travaillé, notamment sur les aspects techniques et médicaux. Il y a des équipes très organisées derrière. »

H4D a cette vision de maillage territorial « car on estime que c’est une vraie réponse concrète au désert médical et je trouve que cette approche d’en faire un projet commun, c’est l’idéal, s’enthousiasme Valérie Cossutta. Le Département a repensé le territoire santé avec tout le monde et cela permet une vraie coordination des soins. C’est un véritable service pour les concitoyens, car il y aura à la fois de la performance, de l’accessibilité et de la fluidité. Cela permet d’adresser toutes les typologies d’environnement et cela montre qu’il y a une approche inclusive des concitoyens sur le plan social. Nous avons cette approche. C’est important le social pour nous, car c’est le sens même de notre société. Ce qui est bien aussi, c’est la dimension humaine, qui transparaît notamment dans la formation des médecins. Nous avons 10 ans de télésémiologie, de recherches et de protocoles, donc nous en avons créé qui sont certifiés et validés sur le plan académique, notamment avec le CHU d’Angers, pour former les médecins à la pratique à distance. C’est-à-dire que l’on va au-delà de la simple utilisation d’instruments. L’aspect qualitatif médical en télémédecine, ce sont des aspects qui apparaissent moins. 98 % des actes médicaux réalisés en cabinet peuvent l’être aussi dans cette solution. C’est un choix qui est très sérieux et que je salue. Pour nous, c’est énormément de travail, de contraintes et des années de recherches, donc nous sommes très contents que ce soit apprécié et déployé de cette façon. »

L’approche des Yvelines coïncide « tout à fait avec notre ADN, continue la directrice générale. Leur approche était d’apporter l’accès aux soins pour tous sur le territoire. C’est une vraie démarche d’aménagement santé sur le territoire. Ils ont cette conception de vouloir intégrer la cabine de téléconsultation médicale au sein du système qui existe déjà. Ils ont une démarche que je salue, car ils ont pris les devants et ont consulté tous les professionnels de santé et les organisations qui interviennent sur le territoire pour comprendre le besoin, l’analyser et insérer ces dispositifs. L’objectif est bien de faire rencontrer un médecin avec un patient. »

20 % de médecins en moins

C’est donc tout naturellement que l’opérateur du département sur le numérique s’occupe du financement et du déploiement de cette solution dans les Yvelines. « Chez Seine-et-Yvelines Numérique, on organise le déploiement de la technologie pour le Département, indique Bertrand Coquard (UDI), président de Seine-et-Yvelines Numérique. Ils souhaitent cibler 25 villes prioritaires rurales dans lesquelles il y a besoin de médecins et donc d’une solution qui soit d’ordre de la télémédecine. » Il s’agira « de cabine ou de solution en pharmacie dans laquelle il sera possible de faire la même chose mais d’ordre moins confidentiel, explique-t-il. Seine-et-Yvelines Numérique s’est occupé de la partie ingénierie, c’est-à-dire : quelle solution, quel type de partenaire, les rencontrer et mettre tout le monde en commun et faire des appels d’offres. » Le Département prend la main sur ce sujet car il y a un « caractère de ville rurale et d’inégalité du territoire et car on constate que l’on a perdu 20 % des médecins en 10 ans dans les Yvelines. 40 % des médecins aujourd’hui ont plus de 60 ans, donc il y a une perspective dramatique que l’on vit au quotidien. »

Seine-et-Yvelines Numérique ayant déjà fibré beaucoup de villes, comme relaté dans notre édition du 2 novembre, cela va leur permettre de déployer ce type de dispositif. « Nous avons cherché à avoir quelque chose de simple, confie Bertrand Coquard. Avec la téléconsultation, nous n’avons pas besoin d’avoir une assistance médicale en tant que telle, puisqu’à l’intérieur des télécabines, il y a des outils afin de nettoyer par onde électromagnétique. Il s’agit donc de solution autonome. L’avantage est qu’il fonctionne avec la carte vitale. Cela était important pour nous, car d’autres solutions de télépaiement sont plus compliquées. Nous avons un partenariat avec l’assurance maladie, donc la personne aura uniquement besoin de sa carte vitale comme si elle allait chez le médecin. »

Objectif : lutter contre le désert médical qui s’installe progressivement en Île-de-France.

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