Quand on leur demande à la sortie du lycée : « Comment se passe votre dernière année scolaire ? », le plus souvent, les lycéens lèvent les yeux au ciel. Ils pouffent de rire ou laissent échapper une exclamation pour cacher leur malaise ou leur désarroi face à la situation.
« C’est très dur. C’est l’année où on passe le bac. Il y a déjà du stress. C’est globalement à cause de la crise », répond Irène en terminale, spécialité SES et histoire géographie, au lycée de la Plaine de Neauphle à Trappes. « C’est horrible. J’ai peur de redoubler », s’inquiète Alice, également en dernière année, au lycée Saint-François d’Assise, à Montigny-le-Bretonneux.
Leur stress viendrait en partie du passage au contrôle continu, qui semble remplacer petit à petit leurs examens finaux, auxquels elles s’étaient préparées. Pourtant, la réforme du bac devrait s’appliquer cette année. Le premier confinement avait reporté cette mise en place. Les épreuves du baccalauréat ont été annulées et le diplôme a été attribué en fonction des notes obtenues. Mais la poursuite de la crise sanitaire semble encore perturber l’application de cette nouvelle formule.
Le 21 janvier, le ministre de l’Éducation nationale a annoncé l’annulation des épreuves de spécialité, initialement prévues du 15 au 17 mars. Elles sont remplacées par le contrôle continu, en raison de la crise sanitaire. En revanche, les épreuves du mois de juin sont pour le moment maintenues, à savoir celle de philosophie et le grand oral. En attendant, l’incertitude gagne les lycéens, qui ne savent plus sur quel pied danser dans leurs révisions, avec, en toile de fond, la crise sanitaire.
« On avait une épreuve de prévue, on était déjà stressés pour ça, mais là, ça a été retiré, et du coup, on a d’autres épreuves qui s’ajoutent, c’est stressant », témoigne Irène à la pause du midi, devant son lycée. Pour elle, le contrôle continu est plus difficile à gérer, car chaque note compte. D’autres, en revanche, sont rassurés de l’annulation de ces échéances, qui les débarrasse d’une certaine pression à la veille des examens.
Mais, au lycée Saint-François d’Assise, les élèves comptaient sur ces épreuves pour rattraper leur moyenne, qui compte encore plus pour le bac. « On est dans un lycée qui note sévèrement et c’est injuste par rapport aux autres lycées », estime Elsa, en terminale physique-chimie et SVT. Le contrôle continu instaurerait une disparité entre les différents lycées. « Ce bac local renforce les inégalités », affirme Chadia, professeure d’histoire-géographie au collège Louis Pergaud et mère d’une élève en seconde au lycée Descartes.
D’autant plus que les enseignants ont un programme avec un calendrier à suivre encore plus strict avec le contrôle continu. « La nature des épreuves, les contenus du programme, c’est lourd et ambitieux, on a du mal à arriver au bout », témoigne Maud, professeure d’allemand au lycée Descartes.
Ainsi, les élèves n’ont pas toujours le temps d’intégrer tous les acquis pour être opérationnels à chaque contrôle. C’est ce que pense Myriam Wahéo, présidente du conseil local FCPE du lycée la Plaine de Neauphle et mère d’un fils en terminale maths et SES. « Mon fils m’a dit : j’ai 9,8 en maths, il faut que j’aie la moyenne (à l’épreuve désormais annulée, Ndlr.) Mais c’est trop tard. On compte sur les appréciations », témoigne-t-elle, en faisant référence à son dossier pour Parcoursup.
Finalement, le stress ne viendrait pas de la peur de ne pas avoir le bac, mais plutôt de ne pas être pris dans ses choix Parcoursup. « Il y aura trop de monde qui aura le bac cette année. C’est sûr », affirme Ryan, en STMG au lycée de Trappes. La concurrence risque donc d’être rude. « J’ai très peur de ne pas être prise », glisse Érine en terminale dans le même lycée. C’est donc l’après-bac qui les rend incertains. Les lycéens de Saint-François d’Assise espèrent quant à eux que la réputation de leur établissement fera la différence.
Alors pour être sûrs d’être pris dans une formation dans le secondaire, certains ont étendu le périmètre de leur choix. « Il va élargir sur Paris, alors qu’à la base, il veut rester dans le 78 », rapporte Myriam Wahéo, en faisant référence au choix de son fils qui travaillerait plus qu’avant selon elle. Avec Parcoursup, je le sens plus investi. […] Pourtant mon fils, ce n’est pas un bosseur, mais il pense à son avenir. Il faut trouver un bon travail. »
En effet, le contexte sanitaire, doublé de la crise sociale, peuvent générer des angoisses chez les adolescents. « C’est assez compliqué pour eux. C’est une donnée en plus qui les angoisse. Mon fils ne me le dit pas, mais je le ressens », confie la mère de famille.
Les infirmières scolaires, parfois en première ligne face au mal-être des adolescents, observent justement une détresse chez certains. « Il y a une insouciance apparente quand ils sont entre eux dans la cour. […] Mais quand on les reçoit après une crise d’angoisse, là on sort la boîte de mouchoirs et on les entend dire : “j’ai perdu l’habitude de travailler (en référence au ‘‘distanciel’’, Ndlr), j’y arrive pas, ça sert à rien” », raconte, soucieuse, Valérie, infirmière au lycée Émilie de Breteuil.