Les commerces qui ont été définis au printemps comme non essentiels, les établissements recevant du public, […] seront fermés. » Dans son discours annonçant le reconfinement de la population, Emmanuel Macron, a précisé que les nouvelles restrictions s’accompagnaient de fermetures administratives pour de nombreux établissements. Des enseignes qui ont du mal à encaisser la nouvelle, ont peur pour leurs activités et doivent, donc, développer de nouveaux modes de vente.

L’histoire se répète pour tous ces commerces. Et l’inquiétude est même parfois plus importante qu’au printemps, comme à la librairie Le Pavé du Canal, à Montigny-le-Bretonneux. « La librairie, pendant huit mois de l’année, perd de l’argent, et les quatre derniers mois de l’année, elle permet de renflouer tout ce qu’elle a perdu sur les huit premiers mois, explique Laurent Garin, gérant et propriétaire des lieux. Donc mars et avril sont des mois très creux, pendant que novembre à décembre représentent à peu près un quart du chiffre d’affaires. Donc, là, en plus de nos charges fixes sur notre fermeture, il va falloir gérer la perte de chiffre d’affaires. C’est beaucoup plus compliqué qu’au printemps. »

Même son de cloche chez Africa House, restaurant de cuisine africaine aux Clayes-sous-Bois. « On était dégoûtés [à l’annonce du reconfinement], confie Diana Ilunga, la responsable de cet établissement déjà très affecté par le couvre-feu. On a énormément de personnes qui viennent le soir, passé 21 h (en temps normal, Ndlr). Donc, du coup, pour s’adapter, par rapport au couvre-feu, c’était difficile, mais rapide […]. On a dû, dans un premier temps, changer les horaires […]. Donc on a ouvert en continu pendant le couvre-feu, pour que les gens puissent manger sur place et que nous aussi on puisse faire des ventes. […] Et avec le confinement, c’est très très dur. »

Catherine Falempin, gérante du magasin Les Fleurs du Manet, à Montigny-le-Bretonneux, essaie de garder espoir, sans pour autant masquer son inquiétude. « On pensait à un couvre-feu, mais pas forcément [à un reconfinement] complètement, estime la fleuriste. C’est un peu le coup de massue à chaque fois, on vide nos magasins, on recommence […] On garde le moral car il faut le garder, mais c’est quand même éprouvant. »

« J’ai envie d’y croire, ça peut être une nouvelle méthode de consommation », confie Catherine Falempin, à propos du click and collect. Elle espère réaliser « 20 % de [s]on chiffre » habituel.

Elle souligne aussi que le couvre-feu avait déjà eu d’importantes conséquences sur son activité : « On avait ressenti une grosse baisse. Vous achetez des fleurs, souvent, car vous êtes invité, et comme on n’est plus invité… » Alors, pour elle aussi, comme pour la plupart des commerçants, ce deuxième confinement aggrave la situation et arrive au pire moment, à l’approche des fêtes de fin d’année. « On a peur pour Noël, avoue-t-elle. On a des sociétés avec qui on faisait des sapins, elles ont annulé. Ça fait partie de nos gros moments de l’année, c’est compliqué. […] Je passe quand même des commandes de sapins. Après, on verra ce qu’on vend, mais tout ce qu’on peut faire, on va le faire pour essayer de sauver l’activité. »

Sauver l’activité, comme en développant d’autres modes de vente, devenus vitaux pour ces commerçants dans un tel contexte. Le click and collect, par lequel les clients commandent sur internet ou par téléphone avant de venir retirer leurs achats à l’extérieur de la boutique, s’impose désormais. « Je garde un espoir, j’espère que les gens vont prendre l’habitude de ça. J’ai envie d’y croire, ça peut être une nouvelle méthode de consommation. Même si ça n’a rien à voir, ça maintient un petit peu une activité », juge Catherine Falempin, ouverte tous les jours, sauf le lundi. Le 6 novembre dernier, en fin de matinée, trois clients se sont présentés devant sa boutique en moins d’une demi-heure.

Au Pavé du Canal, Laurent Garin témoigne avoir « 150 retraits par jour », bien que ce soit « le double » de ventes en temps normal. La librairie est ouverte tous les jours, sauf le dimanche, de 10 h à 13 h et de 16 h à 19 h (uniquement de 16 h à 19 h le lundi, Ndlr). « Tout l’attrait du métier, du rapport humain, on l’a perdu, mais ça tourne, ça fonctionne », constate-t-il, s’empressant d’ajouter : « Mais on est très loin des chiffres d’affaires qu’on devrait faire sur une période qui prépare Noël. »

D’autres commerces n’ont pas opté pour le click and collect, mais ont élargi leur périmètre de livraisons, comme le restaurant Africa House. « On ne fait que des livraisons, informe Diana Ilunga. On a livré [jusqu’à] Poissy, la Queue-lez-Yvelines, […]. Avant, on livrait Plaisir, Les Clayes-sous-Bois, jusqu’à Trappes. » La responsable de l’établissement estime aussi que c’est préférable d’un point de vue sanitaire : « Ce qui est mieux, […] comme les gens sont confinés, c’est qu’ils ne sortent pas de chez eux. Ça nous permettrait peut-être de pouvoir ouvrir un peu plus vite. »

Dans beaucoup d’enseignes, le click and collect se renforce malgré tout, même s’il ne devrait pas suffire à pallier le manque à gagner. Laurent Garin craint que ce mode de vente ne puisse compenser que « de moitié » les pertes de novembre. « Sur le mois de décembre, on va perdre les trois quarts du chiffre d’affaires si on fonctionne encore sur le click and collect », ajoute-t-il.

Catherine Falempin espère, elle, faire « 20 % de [s]on chiffre » grâce au click and collect, qui ne comblera donc pas les pertes. Pas plus que les aides annoncées par l’État, sur lesquelles la gérante des Fleurs du Manet reste sceptique. « J’attends de voir ce qu’on va avoir. […] Il y a des annonces, mais on ne sait pas encore ce à quoi on a droit, pas droit, il faut bien rentrer dans le cadre pour y avoir droit. Après, c’est déjà très bien qu’ils prennent notre personnel en chômage partiel », estime la fleuriste, dont les deux salariées et l’apprentie sont en chômage partiel. « Je suis toute seule. C’est moi qui vais faire les halles, les livraisons, je vais recevoir les gens qui viennent chercher leurs bouquets… », détaille-t-elle .

A la librairie Le Pavé du Canal, à Montigny-le-Bretonneux, « 150 retraits par jour » ont été enregistrés la première semaine du confinement, soit moitié moins de ventes qu’en temps normal, selon le gérant-propriétaire.

Laurent Garin a, lui, placé la moitié de ses 19 salariés en chômage partiel. Outre les mesures de soutien habituelles du gouvernement pour les commerces ne pouvant accueillir du public, il est aussi concerné par la prise en charge par l’État des frais d’envoi des livres. Mais ne semble pas convaincu. « C’est comme les 10 000 euros (de perte de chiffre d’affaires par mois assumés par l’État, Ndlr). Quand on fait 200 000 euros sur un mois, c’est sûr que ça ne va pas suffire. […] Ce n’est pas envisageable qu’il y ait une compensation à l’équivalent de nos pertes. Je ne vois pas comment, sur des grosses structures comme la mienne, ils vont pouvoir y répondre », soupire-t-il.

L’incertitude domine donc concernant les mois à venir. « Habituellement, en tant que commerçants, on va regarder plus ce qu’on a fait d’une année sur l’autre. Aujourd’hui, on n’en est plus là, notre optique est de sauver les meubles, essayer de garder nos affaires », analyse Catherine Falempin. Quitte à devoir licencier ? Pour l’instant, aucun des commerçants interrogés affirme ne vouloir l’imaginer.

« Si ça ne dure pas trop longtemps, on devrait y arriver (à garder tout le monde, Ndlr), mais ça me fait peur, avance Catherine Falempin. S’il fallait que ça dure plusieurs mois, à un moment, on ne pourra plus. Mais pour l’instant, on n’en est pas encore là, je ne préfère pas y penser, ça serait vraiment le dernier recours. » « On va essayer de trouver des solutions, assure Laurent Garin. Au printemps, on a réussi à passer cette crise-là. » Il souligne même qu’ « au mois de mai, ça a repris très fort, donc il a fallu que tout le monde revienne très vite, il a même fallu que j’embauche durant l’été ».

Dans cette ambiance anxiogène, ces enseignes peuvent en tout cas bénéficier du soutien des collectivités locales. Les Villes de SQY recensent ainsi sur leur site internet les commerces, en publiant par exemple la liste des restaurants proposant de la vente à emporter pendant le confinement. L’Agglomération de SQY a, elle, mis en place une carte interactive mentionnant les commerces présents sur son territoire et le type de vente qu’ils proposent (à emporter, livraisons…). Idem pour la Chambre de commerce et d’industrie Paris Île-de-France, qui propose de s’inscrire gratuitement à l’opération « J’aime mes commerces à domicile » en remplissant un formulaire, et ainsi de voir son établissement apparaître sur la carte.

Quant à la Région, elle a mis en place le chèque numérique. Ce dispositif se décline de deux manières : un chèque numérique destiné aux petits commerçants et artisans de moins de dix salariés, « lancé en 2019 à l’intention des commerces et artisans afin de les soutenir et les accompagner dans le développement d’outils numériques » et pouvant atteindre 1 500 euros, et un autre à destination des « communes ou groupements de communes qui se mobilisent pour le déploiement de solutions digitales pour les commerces de leur territoire » et « pouvant s’élever jusqu’à 10 000 euros », indique le conseil régional.