Une curieuse plateforme est venue s’inviter au milieu de l’étang du Val Favry, à Coignières. Son nom: Aquagreen. Créée par la PME Innogur, cette solution photovoltaïque d’assainissement de l’eau a été proposée à l’Agglomération de SQY et installée depuis mai sur ce bassin très pollué. Une solution « innovante, et qui me semblait plus appropriée pour le bassin du Val Favry, où il y avait une pollution par les cyanobactéries les étés d’avant, relate Valérie Bouat, de la gestion du patrimoine et de l’assainissement à SQY, qui a la compétence de ce bassin comme sur une cinquantaine de plans d’eau de l’agglomération. Donc on s’est dit que ça pourrait être intéressant de tester cette solution d’aération alimentée par des panneaux solaires sur ce site, pour voir si ça avait un effet sur la qualité. »
Thierry Garcia-Avrilleau, gérant-fondateur d’Innogur, mentionne le phénomène d’eutrophisation très problématique dans de nombreux lacs, dont celui de Coignières, phénomène se caractérisant par le « développement d’algues bleues, les cyanobactéries », et vertes, « qui sont sources de matières organiques et de consommation des polluants qu’il y a dans l’eau et qui ont le problème de se redéposer chaque année au fond du lac et de réalimenter la colonne d’eau en nutriments. »
Un phénomène néfaste contre lequel lutte son dispositif par un fonctionnement bien spécifique. « Le procédé biologique consiste à dépolluer l’eau en mettant de l’oxygène dans l’eau, en réoxygénant l’eau, et il y a aussi une approche de revitalisation de l’eau, qui s’appauvrit en oxygène, détaille-t-il. La présence d’oxygène favorise le développement de bactéries, des bonnes bactéries. […] Cet oxygène, en présence de bactéries, métabolise la pollution. Donc on a une transformation, notamment d’un polluant particulier, qui est l’azote dissout, ce qui n’est pas la même chose que l’azote gazeux. Ce mécanisme de transformation fait que le taux d’azote et de nitrates dans l’eau se réduit. Il y a un transfert dans l’atmosphère. »
Il ajoute qu’il faut aussi faire face à un autre problème, celui du phosphate. « Lui ne se dégrade pas comme l’azote, expose Thierry Garcia-Avrilleau. L’oxygène peut participer un peu à sa dégradation, mais ce n’est pas suffisant, il faut engager d’autres actions. L’important est de pouvoir agir sur l’un de ces deux paramètres, voire les deux, pour constater une amélioration de la qualité de l’eau. » Il précise que ce dispositif agit « plus favorablement sur les nitrates ».
Mais dans tous les cas, il faudra du temps avant de constater les premiers effets. « Ce que j’ai démontré dans mes différents pilotes, c’est que, pour constater une efficacité du dispositif sur un volume d’eau stagnant, il fallait faire recirculer au moins 10 % du volume d’eau, confie l’entrepreneur. J’ai développé les solutions écologiques sur des temps longs, il n’y a pas de solution miracle pour résoudre des problèmes très complexes de déséquilibre de la biodiversité et de la nature. […] On ne résout pas des problèmes écologiques dans l’instant et l’immédiateté. »
Valérie Bouat estime quant à elle qu’il faut attendre « quelques mois » avant de constater des résultats. Elle souligne la nécessité de « maintenir le dispositif en permanence chaque été, car le phénomène des cyanobactéries revient dès qu’il fait chaud, qu’il y a de l’ensoleillement, donc il faut suroxygéner ».
L’expérience du lac du Mail à Orsay (Essonne), où Innogur avait déjà installé une plateforme Aquagreen en 2015, peut en partie servir. Le dispositif y est toujours en place et fonctionnel aujourd’hui, et ses premiers effets s’étaient manifestés « au bout de six mois », fait savoir Thierry Garcia-Avrilleau. Problème, le profil du plan d’eau est très éloigné de celui de Coignières : la surface de ce dernier est de 3 hectares, contre seulement 1 pour celui d’Orsay. « Mais au-delà de la surface, ce qui m’intéresse, c’est surtout son volume, complète le gérant d’Innogur. C’est important de raisonner en volume, car ce à quoi je m’intéresse, c’est le renouvellement de la masse d’eau. Sur le lac d’Orsay, il n’y a que 7 000 m³, alors que sur le Val Favry, il y en a 50 000. »
L’étang coigniérien est donc trois fois plus grand, sept fois plus volumineux, et largement plus pollué. Son état est même « catastrophique », c’est un « cas de figure extrême », comme le définit Thierry Garcia-Avrilleau. Ce qui nécessitera donc probablement plus de temps. « Mettre de l’oxygène dans l’eau, c’est la meilleure chose qu’on puisse faire aujourd’hui dans un contexte où le milieu aquatique en manque. Son état de dégradation est tel qu’il a besoin de consommer de l’oxygène pour se rééquilibrer. Ça prendra le temps que ça prendra. Mais si on continue à alimenter le plan d’eau de polluants et si la quantité de polluants qui arrive est bien supérieure à la capacité de mon dispositif à agir, on va galérer », concède-t-il, révélant que sur « à peu près un million de lacs en France, la moitié sont dans un très mauvais état écologique ».
Et pas sûr que l’installation actuelle suffise. Thierry Garcia-Avrilleau avoue qu’il faudrait peut-être « mettre un modèle au-dessus » et que le modèle existant « peut suffire pour observer dans son environnement une amélioration, mais pas forcément sur le volume complet, en tout cas immédiatement ».
Pour ce genre de dispositif, il s’agit d’une première à SQY, mais l’Agglomération a déjà expérimenté des installations d’un autre type ailleurs, comme un système à ultrasons qui détruit les algues sur le bassin de la Sourderie, à Montigny-le-Bretonneux, ou des hydroliennes sur l’étang des Roussières, à Guyancourt, ces dernières semblant avoir « un impact assez positif », d’après Valérie Bouat. « On teste différents procédés, pour voir ce qui est le plus efficace », résume-t-elle, ajoutant que la solution Aquagreen lui semblait intéressante face aux cyanobactéries du Val Favry car « il y a des panneaux solaires qui alimentent un des réacteurs, qui va suroxygéner l’eau ».
De là à ce que ce procédé à énergie photovoltaïque s’étende à d’autres bassins saint-quentinois, il y a un pas que l’Agglomération n’est peut-être pas prête à franchir, alors que dans le SQY mag de septembre, on peut lire que, « en fonction des résultats, il est envisagé de déployer cette innovation sur d’autres bassins ». Si elle laisse entendre que cela pourra « peut-être » devenir le cas, Valérie Bouat nuance en révélant que ce type de dispositif est sujet au vandalisme. Elle confie que le 9 septembre, au Val Favry, « on a vu quelques personnes arriver en barque vers l’équipement pour voir s’il y avait des choses intéressantes dessus ».
« Il faut que les bassins soient assez grands pour ne pas être victimes de vandalisme, il faut que les équipements soient assez protégés, car on peut avoir des personnes qui vont jeter des cailloux, par exemple, souligne-t-elle. Donc il faut réfléchir au cas par cas par bassin. C’est une somme, donc il faut s’assurer qu’on ne l’ait pas dépensée pour rien et qu’au bout de deux jours, ce soit cassé. » Une somme totalement prise en charge par SQY, en l’occurrence d’environ 25 000 euros.
Du côté de la Ville de Coignières, on semble en tout cas satisfait que ce type de dispositif voie enfin le jour sur un bassin qui en avait bien besoin. « C’est une très bonne nouvelle, se réjouit le maire Didier Fischer (DVG). À l’origine, c’est un étang artificiel et il a été créé de toutes pièces pour accueillir les eaux de pluie, les eaux qui ruissellent de la N10 notamment, donc des eaux qui ne sont quand même pas de grande qualité, il y a du gasoil ou des choses de ce type. […] Ensuite, il faudra aller un peu plus loin, car l’étang s’envase. Il va falloir le recreuser, enlever la vase. […] Il y a aussi tout un projet de cultures agropastorales pour essayer de gérer cette aire autour. Ça sera un étang de qualité et qui répondra aux normes environnementales aujourd’hui nécessaires. »
Pour y parvenir, la route est très longue, comme l’affirme Thierry Garcia-Avrilleau : « C’est un très gros défi, mais c’est un défi que je relève sans aucun problème, ça ne me fait pas peur dans le sens où je me suis attelé à un problème complexe et que j’y mettrai l’énergie qu’il faut pour faire en sorte qu’on mesure un impact favorable. Je sais que ma solution est absolument nécessaire […] compte tenu du fait que le réchauffement climatique et la dégradation du climat s’accélèrent, et je l’observe depuis 2011 [sur les plans d’eau], à partir du moment où j’ai commencé à développer ce projet. J’ai vu le thermomètre monter. […] Je me félicite qu’une collectivité comme SQY donne la chance à ce projet de se développer sur un site propice au contexte. »