Attention aux chenilles processionnaires », « Alerte aux chenilles processionnaires », « Restez vigilants sur les chenilles processionnaires ». Depuis le début du printemps, et comme chaque année, les messages de sensibilisation affluent de la part des municipalités. Les chenilles processionnaires ne semblent pas être prises à la légère. Ces insectes de type lépidoptère se développent sur les chênes et les pins.

À Saint-Quentin-en-Yvelines, c’est davantage la chenille processionnaire du chêne qui est répandue. « Elle est issue de la ponte d’un papillon nocturne, qui va pondre pendant l’été, explique Nicolas Nucci, élancourtois, travaillant à son compte pour une micro-entreprise qu’il a fondée en 2015 et luttant contre les chenilles et guêpes. Les chenilles actuellement actives, sont liées aux œufs qui ont éclos au printemps et qui sont issus de la ponte de l’été 2018. Elles éclosent au printemps, puis se développent, passent par six stades larvaires. »

Apparues en France dans les années 80, ces chenilles se nourrissent des feuilles des chênes à feuilles caduques, avec des risques indirects d’affaiblissement de ces arbres. « Ça peut défolier les arbres, précise Nicolas Nucci. Ça peut aller de quelque chose à peine visible à des défoliations totales, mais c’est rare. Ce n’est pas mortel pour l’arbre mais ça va le rendre plus sensible à d’autres maladies, à des champignons. »

Et d’ajouter que la chenille commence à avoir des poils urticants « à partir du troisième stade larvaire ». « C’est un mécanisme de défense contre ses prédateurs et quand on les dérange, elles viennent vous piquer, détaille-t-il. Ça n’est pas projeté, c’est juste libéré dans l’air, mais c’est microscopique et très léger, donc ça vient se poser sur la peau. Le venin est contenu dans ces poils urticants et quand on frotte, ça casse les poils plantés dans la peau et ça libère le venin. »

Ce qui provoque des démangeaisons, mais pas seulement. « Ça peut être dangereux pour les voies respiratoires et pour les yeux », poursuit Nicolas Nucci. Les individus plus fragiles, comme les personnes malades, les enfants, ou les personnes âgées, sont particulièrement exposés. Les animaux domestiques également, avec parfois des conséquences mortelles.

« Ce sont les chiens qui sont les plus touchés car ce sont eux les plus curieux, développe Nicolas Nucci. Ils vont aller toucher ou lécher des chenilles, et là, ça peut aller jusqu’à l’euthanasie. » Tous types d’animaux sont exposés, notamment les bovins et chevaux. « Ils vont brouter de l’herbe où il y a des chenilles par terre, se frotter aux troncs d’arbre, … » Des troncs sur lesquels les chenilles forment des nids plus résistants à partir de l’été, après avoir précédemment évolué plus près des feuillages. La présence de chenilles processionnaires du chêne au sol n’est en revanche due qu’à un décrochage des cocons, puisqu’elles sont censées faire tout leur cycle sur l’arbre, contrairement à leurs cousines du pin qui s’enterrent pour faire leurs chrysalides.

Les chenilles du chêne se retrouvent notamment dans les zones boisées. « Mais cette année, il n’y a quasiment pas de rues, où il y a des chênes, où je n’en vois pas, souligne Antoine Kaniewski, responsable du pôle patrimoine arboré au sein de la direction des espaces paysagers à SQY. J’en vois partout. »

Doté de bon nombre de ces arbres, le territoire saint-quentinois n’est en effet pas épargné. Bois de Maurepas, Bois joli (Maurepas), square de Lamartine, avenue Gay Lussac (Élancourt), Bois de la Grille, avenue des Garennes, jardin de l’Aqueduc ou encore le bien nommé mail des Chênes (Guyancourt), les lieux infestés sont nombreux. Et pour les équipes de SQY amenées à intervenir, il faut faire des choix.

« On a priorisé des sites, en fonction du degré d’infestation de l’année dernière, de la fréquentation des sites, et du potentiel d’accroissement de populations (du fait qu’il y ait beaucoup d’arbres ou pas autour, Ndlr), confie Antoine Kaniewski. La somme de ces trois critères nous a déterminé des critères d’infestation de chenilles, de fréquentation piétonne et de potentiel d’infestation. »

À partir de l’été, les chenilles processionnaires forment des nids plus résistants, contre les troncs d’arbres, comme ici à Élancourt.

Équipés de combinaisons avec des masques intégraux et des nacelles pour atteindre les sommets des arbres, les professionnels utilisent différents moyens de lutte. Le principal d’entre eux consiste à pulvériser sur les feuilles du bacille de Thuringe, une bactérie que la chenille va ingérer et qui va s’attaquer à son système digestif.

À priori, cette méthode est efficace. « En théorie, et en bonnes conditions météorologiques, ça pourrait réduire de 60 à 80 % le niveau de population de chenilles sur la saison », indique le responsable du patrimoine arboré. En bonnes conditions météorologiques, c’est-à-dire qu’il ne faut pas qu’il pleuve ou qu’il vente pour que le traitement fasse son effet. Il faut également l’appliquer dès le printemps, avant que les chenilles grossissent. Autre impératif : ne pas traiter à proximité des cours d’eau car le produit a une incidence néfaste sur les milieux aquatiques.

La lutte mécanique consiste, elle, à brûler les cocons avec des chalumeaux. Mais elle est coûteuse. D’après SQY, il faut compter « entre 2 500 et 3 500 euros la journée » pour cette méthode (or parfois, une journée ne laisse le temps d’intervenir que sur un arbre, Ndlr), alors que concernant les pulvérisations de bacille, pour « 19 sites » traités depuis le début de l’année, « il y en avait pour 18 000 euros HT en traitement, ce qui fait donc environ 1 000 euros par site ».

Fortement déconseillé car mobilisant des produits dangereux, le traitement chimique fait aussi partie des solutions. Une autre, davantage en harmonie avec la nature, consiste à installer des nichoirs à mésange. Cet oiseau est un prédateur de la chenille processionnaire. Si on en attire suffisamment, cela provoque « des baisses significatives d’invasions de chenilles », affirme Nicolas Nucci.

à SQY, les équipes d’intervention prévoient d’implanter « 140 nichoirs cette année », et ce « dans le courant de l’été », selon Antoine Kaniewski. « Mais ils n’auront potentiellement d’intérêt qu’à partir de l’année prochaine, il faut le temps que le nichoir prenne l’air, qu’il ne sente pas trop le neuf ni l’humain pour que les mésanges aient envie de venir », prévient-il toutefois.

Il invite d’ailleurs tout particulier à construire lui-même son propre nichoir, d’autant que sur un terrain privé, les interventions contre les chenilles sont bien à mettre à la charge du particulier ou des associations syndicales. « On trouve plein d’informations sur internet, il y a des kits pour les faire soi-même », assure le responsable du patrimoine arboré.

Mais il faut respecter certains principes de fabrication. « Les nichoirs doivent être faits sans colle, sans peintures et sans résidus chimiques, sinon les oiseaux ne viendront pas », avertit-il. Il faut également procéder à un entretien annuel, pour éviter que les nids ne se superposent et qu’à force, le nichoir soit rempli et que les mésanges n’y aillent plus. Les pièges à papillon, mis en place en été, ainsi que les écopièges, davantage valables pour la processionnaire du pin, font également partie des techniques pour juguler l’invasion de ces nuisibles.

Des nuisibles dont la présence s’est davantage fait ressentir depuis l’année dernière, d’où la communication accrue. Mais les chenilles étaient pourtant bien là. « Il y a cinq ans, il y avait déjà de la processionnaire sur deux des sites les plus infestés, relate Antoine Kaniewski. Entre temps, la processionnaire n’est pas partie en vacances, sauf que la population, pour X raisons, était moins forte, on vivait avec mais on ne la voyait pas, et il n’y a eu aucun souci sanitaire. Mais l’année dernière, les chenilles se sont beaucoup vues. On s’est alors demandé quoi faire, et vu qu’il y avait un risque sanitaire, on a pris la décision de faire quelque chose. »

D’après lui, « il va falloir que l’on apprenne à vivre avec », il sera impossible d’éradiquer totalement cette menace. « C’est aux gens d’être suffisamment intelligents pour ne pas se faire piquer lorsqu’ils vont dans des zones boisées avec des chênes », expose-t-il. Le risque est important, même si le responsable du patrimoine arboré assure n’avoir jamais eu affaire à des cas graves ou mortels chez l’homme.

Toutefois, spécialistes, collectivités ou encore Agence régionale de santé, insistent sur la nécessité de ne pas s’approcher des chenilles ou y toucher. Il est également impératif de consulter un médecin en cas d’allergie et/ou de problème respiratoire. Si des poils urticants sont présents sur les vêtements, il faut les laver et se doucher. Il convient aussi de surveiller ses animaux domestiques ou encore de laver les fruits et légumes de son jardin. L’ensemble des recommandations peut se retrouver sur chenilles-processionnaires.fr.