Un paradoxe observé : des entreprises qui peinent à recruter alors que les Trappistes rencontrent des difficultés à trouver un emploi. » Cette citation résume bien la problématique que l’Alliance territoriale de Trappes, constituée d’acteurs économiques et d’acteurs de la formation comme de l’éducation, aimeraient solutionner. L’Alliance territoriale a présenté, le jeudi 23 mai dernier au lycée de la Plaine de Neauphle, son diagnostic réalisé à Trappes sur « deux enjeux clefs du territoire : jeunesse/emploi et métiers en tension ». Si le monde de l’entreprise comme celui de l’éducation affiche la volonté de mieux travailler ensemble, cela ne semble pas encore toujours évident.
Créée en 2017 sous l’impulsion de la commune, de l’association Envie et de Auchan, Guy Malandain (DVG), le maire de Trappes, voit en l’Alliance territoriale un outil qui « doit permettre » de mettre en cohérence « les parcours d’enseignement avec les parcours professionnels et les besoins des entreprises ». Il en attend donc logiquement « une aide pour les jeunes gens qui cherchent des orientations professionnelles » et la création d’un « réseau d’entreprises qui expriment leurs besoins et travaillent avec les lycées sur les formations ».
Fin 2017, 78actu avait annoncé l’implication dans l’Alliance territoriale de Auchan – bien implantée à Trappes avec un supermarché, un drive, un centre de logistique, etc – qui rencontrait des difficultés dans son recrutement local et durable. Stéphane Vanhersel, directeur des ressources humaines chez Auchan retail, expliquait alors dans les colonnes de nos confrères que « l’objectif de cette alliance, c’est d’amener les acteurs du privé et du public à trouver des solutions aux problèmes de recrutement. Beaucoup d’entreprises partagent le même constat que nous. » Un an et demi plus tard, c’est Stéphane Vanhersel qui animait la journée de présentation du 23 mai. « On veut arriver à du concret, a-t-il alors adressé aux différents acteurs réunis au lycée de la Plaine de Neauphle. C’est en travaillant ensemble qu’on va résoudre cette problématique. »
Avant d’engager des actions concrètes, l’Alliance territoriale a donc fait réaliser une étude par le cabinet Acceleractions, qui a passé six mois sur la commune. Cette dernière pointe des problématiques déjà bien connues à Trappes, comme dans de nombreuses communes de l’agglomération voire au-delà. « La ville est actuellement en pleine mutation économique et urbaine mais elle compte encore aujourd’hui de nombreuses fragilités, et notamment un taux de chômage de 19 %, cinq points au-dessus de la moyenne régionale, 70 % de la population en quartiers prioritaires et un taux de pauvreté de 25 % », résume l’étude.
En face de ces difficultés d’accès à l’emploi, se trouvent donc des entreprises qui n’arrivent pas à trouver de candidats. « Le bassin économique local compte un grand nombre d’entreprises employeuses qui peinent à recruter avec 43 % des projets de recrutement qui portent sur des métiers en tension », poursuit l’étude. Le principal frein à l’embauche identifié est une « inadéquation des compétences locales aux besoins de qualifications des entreprises », auquel vient s’ajouter une problématique de « mobilité des jeunes Trappistes ».
Selon l’étude, les métiers en tension sont également « à revaloriser auprès des jeunes » et les parcours de formation sont « à adapter aux besoins réels des entreprises ». Ces métiers en tension seraient ainsi quasiment tous réunis dans trois secteurs : les services scientifiques, techniques et administratifs, la santé et la restauration. « L’analyse comparée des formations disponibles localement avec les métiers en tension met en exergue l’absence de formation pour des métiers pourtant largement recherchés », précise l’étude.
Et si le cabinet Acceleractions souligne le nombre important d’initiatives engagées localement « pour une insertion professionnelle réussie », il estime que celles-ci restent à « coordonner ». De plus, malgré une volonté affirmée de travailler ensemble, les acteurs de la formation et les acteurs économiques reconnaissent dans l’étude une « méconnaissance mutuelle ». Si le constat est partagé par l’ensemble des personnes réunies au lycée de la Plaine de Neauphle, la communication entre entreprises et établissements scolaires ne semble en effet pas toujours si évidente.
« Vous faites apparaître des métiers en tension, mais moi j’ai des élèves de CAP à Bac dans des métiers techniques où la moitié n’a pas de stage, regrette pendant les échanges la proviseure du lycée Louis Blériot, expliquant avoir même dû fermer une formation ascensoriste, un métier pourtant en tension, faute de stage pour ses étudiants. « Où sont les entreprises ? […] Soit on a un problème d’adaptation aux compétences, […] soit nos élèves ne correspondent pas aux attentes des entreprises en compétences professionnelles, soit d’autres comme le savoir-être. »
Dans l’assemblée, un représentant d’une entreprise qui « accueille beaucoup de stagiaires de Blériot » confirme en effet l’un des points soulevés par la proviseure du lycée. « Nos difficultés sur l’accueil des stagiaires sont des questions de posture et de savoir-être, qui devraient être travaillées en amont pendant la formation », estime-t-il, évoquant « la ponctualité, les règles de sécurité et l’encadrement ».
Un point que la proviseure du lycée Blériot ne conteste pas, « mais l’Éducation nationale n’est pas la seule là-dessus », insiste-t-elle. Avant de lancer un appel à l’ensemble des acteurs économiques à venir dans son établissement rencontrer les élèves : « J’ai besoin de vous pour travailler sur ce savoir-être. » Du chemin reste donc à parcourir dans les relations entre entreprises et acteurs de l’éducation, même si une première pierre est posée par l’Alliance territoriale. Le principal du collège le Village a d’ailleurs souligné que « l’Alliance nous a aidé à trouver des stages ».
Après ces échanges, la demi-journée de travail s’est conclue par le lancement de « groupes actions » qui ont, dès le 23 mai, planché sur la « création d’un circuit de découverte professionnelle à mettre en place à Trappes » et la « création d’une passerelle entre les entreprises ayant des métiers en tension et les organismes de formation ».
Le quartier prioritaire des Merisiers est éligible au label « Cité éducative »
Le quartier prioritaire des Merisiers à Trappes est éligible au label « Cité éducative ». Il pourra bientôt mettre en œuvre ce concept, qui consiste à accompagner vers la réussite, les jeunes de 3 à 25 ans. Le 2 mai, le gouvernement a publié la liste des 80 quartiers, ciblés par les préfets et les recteurs, qui peuvent prétendre au label, selon Le Parisien.
L’objectif de la « Cité éducative » est de « fédérer tous les acteurs de l’éducation scolaire et périscolaire » sans « être un dispositif de plus mais l’occasion de mieux coordonner et renforcer les dispositifs existants », selon les propos de l’Éducation nationale et de ceux de la Cohésion des territoires, rapportés par Le Parisien. Pour ce faire, les quartiers concernés pourront bénéficier d’une aide financière de l’État, qui a prévu une enveloppe nationale de 100 millions d’euros sur trois ans.
En attendant, les Merisiers devront déposer un avant-projet d’ici le 30 juin, selon nos confrères de France 3 Paris Île-de-France. Et les mesures qui pourront être mises en place au nom du label sont : de nouvelles places de crèches, le renforcement de la présence de professionnels éducatifs, l’accompagnement dans l’orientation, ou encore le développement des voyages de découverte.