Dans le manège, Myriam* et sa mère brossent Vintage, le double poney du club Les cavaliers du donjon à Maurepas. Sarah* fait de même avec sa maman, en plein pansage de leur cheval, à l’opposé de la carrière. Mais cette après-midi du 23 mai, Myriam et sa maman ne sont pas très prudentes et passent à plusieurs reprises derrière les fesses du cheval. L’équithérapeute Pauline Amisse ne manque pas de les rappeler à l’ordre : « Il ne faut pas passer par derrière. »

Pour leur quatrième séance, les deux duos mère et fille viennent à l’atelier Equiplaisir, proposé par la Maison des parents de Trappes, un service municipal qui accompagne les parents dans l’éducation de leurs enfants et adolescents. Un projet d’équithérapie piloté et mis en place par l’association des Chevaux du donjon. « Prendre soin de son cheval, et respecter les règles », font partie de l’équithérapie, explique avec douceur Pauline Amisse.

Au nombre de dix séances, ces ateliers d’équitation thérapeutiques servent à rétablir des relations saines entre le parent et son enfant. Leurs rapports ont en effet pu être bafoués par l’arrivée de l’adolescence, l’autisme, le handicap, la précocité, la délinquance ou encore par une relation trop fusionnelle. L’atelier vient donc débloquer ces situations, en rétablissant la communication entre les deux. Il sert aussi à leur donner confiance.

Sarah et sa mère, par exemple, sont trop fusionnelles, selon l’assistante sociale Céline Rousso. « Dans cet atelier, elles travaillent la distance et acceptent d’être un peu séparées », rapporte la professionnelle. Myriam dispose, quant à elle, d’un léger handicap, qui lui fait rencontrer des difficultés à l’école et des problèmes d’estime de soi. « Ici, elle est en capacité de s’imposer et sa maman, qui intervenait beaucoup avant et qui la surprotégeait, depuis, elle la laisse faire et se débrouiller », explique l’assistante sociale.

Les familles sont sélectionnées par la Maison des parents de Trappes, comme l’indique Gwennaelle Cuesta, directrice de l’organisme. En amont, l’Éducation nationale et le périscolaire leur envoient également des parents, qui viennent s’ils le souhaitent. Autrement, « d’autres familles viennent d’elles-mêmes et à juste titre », avoue la directrice.

« L’animal va faire prendre conscience des fonctionnements de chacun. […] Si la personne n’a pas confiance en elle, […] le cheval ne fera pas l’exercice demandé », explique l’équithérapeute.

En proposant ces ateliers Equiplaisir, le service municipal a voulu innover en allant au-delà du simple entretien dans un bureau. L’objectif étant d’apporter de nouvelles solutions à l’amélioration des relations entre les parents et leur enfant. Avec le cheval, « on vient leur apporter une ressource supplémentaire pour que ça débloque quelque chose, constate Gwennaelle Cuesta. On peut observer des choses qu’on ne pourrait pas observer au cours d’un entretien. »

Au centre équestre de Maurepas, le cheval va justement révéler le comportement inadéquat de l’enfant ou du parent. « L’animal va faire prendre conscience des fonctionnements de chacun et va demander que la personne les réajuste, étaye l’équithérapeute. Si la personne n’a pas confiance en elle et ne s’affirme pas suffisamment, le cheval ne fera pas l’exercice demandé. »

Et Sarah est rapidement confrontée à cette situation. Lorsqu’elle fait tourner son cheval autour d’elle, à l’aide d’une longe, celui-ci finit par n’en faire qu’à sa tête. Mais sa mère l’encourage : « Allez Sarah ! » Et avec les conseils de Pauline Amisse, elle fouette dans l’air le bout de corde qui lui reste, pour faire avancer sa monture. « Marche ! Marche ! Marche ! », scande-t-elle sans s’arrêter. Et le cheval finit par repartir bien aligné sur le cercle. L’équithérapeute la félicite : « C’est bien, tu as mieux réagi par rapport à la dernière fois. »

Mais cet exercice a été éprouvant pour elle. Quand vient le moment de monter sur le cheval, Sarah fait mine d’avoir envie d’aller aux toilettes. La directrice de la Maison des parents l’accompagne sans sa mère. « Elle avait besoin d’une pause. Ça été dur pour elle de s’imposer face au cheval. Elle angoisse aussi de devoir monter. Elle se demande comment ça va se passer une fois là-haut », raconte-t-elle à La Gazette. Cette situation est révélatrice du travail que demande cet atelier sur la confiance en soi. La directrice fait aussi remarquer que la jeune fille s’est confiée à elle et non à sa mère. Ce qui pourrait être vu comme un progrès pour elles deux, si fusionnelles.

Cet atelier permet donc de faire travailler la confiance en soi mais aussi la confiance en l’autre. Notamment lorsque c’est au tour du parent de monter à cheval et de se laisser guider par son enfant. « Il va devoir lâcher prise et faire confiance à celui qui tient le cheval. Ça les oblige aussi à communiquer pour savoir quand ça va trop vite », illustre l’assistante sociale.

La mère de Myriam a pu l’expérimenter. Coiffée d’une bombe, elle doit mettre le pied à l’étrier pour grimper sur sa monture. « J’ai peur » murmure-t-elle presque angoissée. Au troisième essai, elle parvient tout de même à monter sur Vintage. Sa fille la félicite. Et c’est à elle de guider la monture, pas à sa mère. Celle-ci n’est d’ailleurs pas très rassurée et donne des coups de talons pour faire avancer son cheval. « Non, on n’intervient pas », rappelle Pauline Amisse. Myriam rassure sa maman : « T’inquiète pas. » Et elle emmène Vintage faire le tour du manège.

Cet atelier n’est donc pas sans difficultés pour ces familles qui, confrontées à leurs failles, n’ont pas le choix de se mettre à nue et de dire ce qu’elles ressentent. « C’est très différent de tout ce qui existe déjà, explique Gwennaelle Cuesta. Elles doivent accepter le regard des autres. Et elles ne peuvent pas se protéger derrière leur fratrie. »

« Elle avait besoin d’une pause. Ça été dur pour elle de s’imposer face au cheval. Elle angoisse de devoir monter. Elle se demande comment ça va se passer une fois là-haut », raconte Gwennaelle Cuesta.

En effet, le parent doit venir seul avec son enfant. Le reste de la famille n’étant pas convié. Ce qui change avec les autres ateliers proposés par la Maison des parents, où toute la fratrie est généralement présente, selon la directrice. « Ici, elles doivent avoir un moment privilégié avec l’enfant et c’est intense », dit-elle. Sachant que l’atelier dure en moyenne deux heures.

Et ça porte ses fruits. La directrice de la Maison des parents raconte que dans plusieurs familles, l’équithérapie a rétabli le dialogue et changé leur quotidien. « On a eu une maman qui n’osait même plus sortir en public avec sa fille handicapée. Aucune institution n’arrivait à la prendre en charge. L’enfant était déscolarisée. Et la maman se mettait volontairement à l’écart. »

Grâce à l’atelier, cette femme a pu se confier aux autres mères et reprendre confiance en elle, comme le raconte Gwennaelle Cuesta. « Pendant les cours, elle a pu voir que son enfant pouvait exprimer des choses car elle n’arrivait plus à le voir », se remémore-t-elle. Sa fille a maintenant été prise en charge par un autre organisme, selon la directrice.

Mais tous les parents n’acceptent pas de faire ces ateliers thérapeutiques, selon cette dernière. « Il y en a qui abandonnent », avoue-t-elle. En effet, ces cours demandent un investissement personnel, surtout à Trappes. « Ce sont souvent des familles nombreuses, qui ont des devoirs familiaux. Et ce n’est pas dans leurs habitudes de se dégager trois heures en semaine », explique Gwennaelle Cuesta. Mais certaines le font et prennent ce temps-là. La directrice raconte qu’une mère de famille aurait même demandé à son employeur de lui dégager du temps pour venir avec son fils à l’atelier.

*les prénoms ont été changés

Le centre équestre Les cavaliers du donjon veut multiplier les ateliers adaptés

Après l’Equiplaisir avec la Maison des parents de Trappes, le directeur du centre équestre Les cavaliers du donjon à Maurepas, Didier Le Roch, souhaite monter un nouveau projet. Avec le foyer d’accueil médicalisé, il envisage d’ouvrir un atelier avec les autistes. « Je suis moniteur depuis 1986 et au fil des années d’expérience, je voulais faire un volet équithérapie », confie Didier le Roch.

Cet atelier devrait commencer en juin 2019, selon le directeur. C’est une première pour le site, installé depuis 2015. Le centre équestre envisage également de développer un autre atelier pour les adultes souffrant d’addictions, en partenariat avec une unité d’addictologie locale.

Article mis à jour le 7 juin à 10h40 : Dans sa version précédente, l’article ne précisait pas que c’est l’association des Chevaux du donjon qui a mis en place et pilote les ateliers d’équithérapie, accueillis dans le centre équestre Les cavaliers du donjon.