Et si un algorithme pouvait permettre d’éclairer « mieux » ? C’est le pari qu’ont fait il y a bientôt quatre ans les associés de M2Aim, start-up « incubée » par le Sqycub. Elle a créé un dispositif capable de piloter l’éclairage public d’une ville, de façon à ajuster l’intensité et le temps d’éclairage des réverbères en fonction des différents contextes météorologiques et humains, et aux différentes circonstances, ceci grâce à un boîtier placé dans les armoires électriques qui alimentent les lampadaires.

Saint-Quentin-en-Yvelines a proposé la rue Maurice Ravel à Guyancourt pour être terrain d’expérimentation à compter du mois de février. Si l’expérience est concluante, l’agglomération pourrait décider d’installer le dispositif de manière durable sur l’ensemble du territoire. Les promesses sont multiples : flexibilité, économies d’électricité, de temps et d’argent ; écologie et sécurisation des rues en font partie.

« Tout ça, c’est parti d’un constat, résume Julien Fessard, dirigeant de M2Aim et ancien de chez Airbus. Celui que, un peu partout et ce malgré les nouvelles technologies, des rues entières restent allumées en plein jour, le matin ou le soir. C’est quelque chose qui m’avait réellement choqué. » Le patron de M2Aim prend pour explication la vétusté au niveau national du parc d’éclairage public, dont 40 % des luminaires auraient plus de 25 ans selon lui.

« Or, seuls 3 % de ce parc sont renouvelés chaque année (à l’échelle nationale, Ndlr), […] c’est aussi valable à Saint-Quentin-en-Yvelines, où il n’y a pas moins de 10 000 points de lumière, s’indigne Julien Fessard. Le problème vient du fait que le système actuel est figé. Certaines villes ont fait le choix d’éclairer énormément tandis que d’autres, à l’opposé, laissent des quartiers entiers dans le noir, ce qui pose des problèmes de sécurité. […] Si une veut plus de flexibilité, elle doit changer les équipements, ça prend du temps et ça coûte de l’argent, surtout à cette période où les collectivités se plaignent que les dotations de l’État ont diminué. »

Les associés de M2Aim ont donc planché sur un dispositif qui s’adapte aux équipements existants, leur permettant de prendre en compte les différents besoins. « On voulait un système qui soit connecté, qui puisse évoluer et s’adapter aux conditions de terrain sans demander aux collectivités de tout changer », explique Julien Fessard. Les associés de M2Aim ont alors trouvé la réponse à leurs attentes en un algorithme qui, inséré dans des boîtiers, permet de gérer les horaires et l’intensité de l’éclairage public, selon les zones, les événements et la météo.

Les boîtiers pilotés à distance seront placés dans les armoires électriques qui alimentent les lampadaires.

« Un boîtier peut gérer entre 30 et 40 luminaires, détaille-t-on chez M2Aim. Il est inséré dans les armoires électriques qui alimentent les lampadaires. » Programmés à distance depuis une plateforme, les boîtiers permettent de choisir la luminosité et le temps d’éclairage. « Les besoins ne sont pas les mêmes dans une zone pavillonnaire avec des maisons basses, que dans un centre-ville avec des maisons hautes, une zone rurale ou encore une zone d’activité, énumère Julien Fessard. Certaines zones ont besoin d’un éclairage plus fort et prolongé car l’activité y est dense, d’autres sont plus calmes par exemple. Pour ça, Saint-Quentin-en-Yvelines est un très bon terrain d’expérimentation, car il est très contrasté. »

Le directeur de M2Aim prévoit que l’éclairage puisse être modulé également en cas d’accident la nuit, en cas d’intervention de la police dans un secteur, ou même en cas de chute d’un panneau de signalisation et donc de risque d’accident. L’expérimentation, qui se fera à compter de février dans la rue Maurice Ravel, à Guyancourt, commencera donc par une première phase d’ « observation ». Le ou les boîtiers seront placés et relèveront des données, des profils de consommation de la lumière.

« On va aussi faire remonter les anomalies sur le réseau, comme des chutes de tension, des lampadaires dysfonctionnels », explique Julien Fessard. M2Aim attend aussi la bonne volonté des mairies, qui devraient fournir leurs propres données : « Par exemple, s’il y a un évènement un soir, ou si il y a beaucoup de passage à certains endroits, l’éclairage sera capable de s’adapter », explique le patron de M2Aim.

Une fois toutes ces données relevées et enregistrées par les boîtiers, l’expérimentation réelle pourra commencer d’ici « quatre à six mois » espère Julien Fessard. à terme, les boîtiers pourraient être complétés par des capteurs placés sur les lampadaires, récoltant différents types de données tels que la pollution atmosphérique ou bien des détecteurs de mouvement. Le directeur de M2Aim se dit « content de l’aboutissement de ce projet, qui a pris du temps ».

La start-up se serait ainsi retrouvée confrontée à des cycles de vente plus longs que prévus : « On est incubés dans les locaux du SQYcub depuis deux ans mais l’accord avec Saint-Quentin-en-Yvelines a été fait seulement fin 2018, résume ainsi Julien Fessard. Donc c’est vraiment bien, c’est un projet vraiment innovant. » Car les promesses faites par le boîtier de M2Aim sont grandes en matière d’économies et d’écologie.

L’équipe de M2Aim, dirigée par Julien Fessard, a créé un boîtier capable de gérer
de façon flexible l’éclairage public.

Selon M2Aim, Saint-Quentin-en-Yvelines pourrait ainsi effectuer jusqu’à 85 % d’économie d’énergie grâce à l’éclairage intelligent, et économiser jusqu’à 40 % sur les frais d’intervention sur le mobilier d’éclairage urbain (réparation, remplacement, Ndlr). La durée d’allumage serait également amoindrie de 10 %, « à confort égal pour l’usager » assure la start-up. La sécurité serait également améliorée par cet éclairage « à la demande » sur les routes de campagne ou lors d’accidents.

« Tout est possible maintenant », se réjouit Marie-Christine Letarnec (DVG), vice-présidente de Saint-Quentin-en-Yvelines en charge de la ville innovante de demain et maire de Guyancourt, où sera expérimenté ce nouveau système d’éclairage public. L’élue ne masque pas son enthousiasme quant à l’expérience à venir : « Saint-Quentin a toujours été un territoire d’expérimentation et d’innovation. On le voit avec les véhicules autonomes, Supraways… C’est une chance que d’autres territoires n’ont pas. Le système d’éclairage public a une cinquantaine d’années à SQY, c’est vieux, donc certains habitants se plaignaient de rues plongées dans le noir. »

Au-delà de la possibilité d’ajuster l’éclairage aux quartiers et secteurs, c’est le profil « à la demande » du système de M2Aim qui intéresse Saint-Quentin-en-Yvelines. « On va pouvoir éclairer une rue la nuit, en cas d’accident ; ou encore faire des lumières qui s’allument au fur et à mesure et ‘‘suivent’’ le trajet d’une personne dans la rue », explique la vice-présidente de l’agglomération.

Du point de vue du mobilier urbain, Saint-Quentin-en-Yvelines a également de grandes ambitions. « Le concept de candélabre connecté est intéressant, peut-être qu’un jour on pourra y mettre des capteurs de pollution atmosphérique, en faire des fournisseurs de wifi ou y intégrer des défibrillateurs, énumère Marie-Christine Letarnec. Ça évite également l’accumulation de mobiliers urbains destinés à ces fonctions, c’est tout en un. »

La maire de Guyancourt loue également l’accompagnement fourni par Saint-Quentin-en-Yvelines à ses start-up : « M2Aim est une start-up qui a grandi à SQY, et c’est bien que SQY devienne son premier territoire d’expérimentation ». Il faudra maintenant attendre les premiers résultats de l’expérimentation pour connaître l’efficacité et l’adaptabilité du système de M2Aim, « peut-être en 2020 », espère Julien Fessard.

Article mis à jour le 6 février 2019 à 9h30 :
1) Une version précédente de l’article contenait une affirmation inexacte concernant l’algorithme contenu dans les boîtiers permettant de moduler l’éclairage.