« On essaie surtout de sortir du cadre de la classe, un peu rigide et fixe, pour créer d’autres ouvertures, pour qu’on arrive à réfléchir ». Ce sont les mots de Juliette Beillard, professeure de lettres et l’une des deux référentes culture du projet Pégase, une action de mise en avant des valeurs de la République par l’art et la culture. Cinq établissements de l’Académie de Versailles y participent, dont le collège Ariane de Guyancourt. Ce qui a notamment valu la visite de la rectrice d’académie, Charline Avenel, le 10 décembre à l’occasion de la journée de la laïcité.

Ce projet, l’établissement guyancourtois y travaille depuis trois ans, en collaboration avec la fondation artistique Carasso. « Le développement de l’éducation artistique et culturelle, c’est vraiment un puissant vecteur du vivre-ensemble, des valeurs de la République, explique Isabelle Aurousseau, principale du collège. Ça permet une intégration sociale des élèves et de réduire les inégalités, puisque nous donnons l’accès à des élèves qui ne seraient peut-être jamais allés au théâtre ou au cinéma. Et en même temps, ça renforce leur sentiment d’appartenance à un même groupe, à une même communauté. À travers les différents dispositifs du projet Pégase, on développe un esprit critique, et l’actualité récente nous a malheureusement rappelé l’importance des arts et de la culture dans la construction des valeurs communes de la République. »

En l’occurrence, l’assassinat de Samuel Paty le 16 octobre dernier. Ce qui donne forcément une résonance particulière au projet. « Les problématiques de valeurs de la République, de laïcité […] sont des concepts parfois difficiles à s’approprier pour les élèves, et pas forcément faciles non plus à manier pour les enseignants, affirme Charline Avenel. L’éducation artistique et culturelle et le passage par le sensible permettent d’aborder le sujet de manière jolie, constructive. […] On augmente nos capacités d’intervention dans les établissements, car, malheureusement, on observe beaucoup de points de mise en cause des valeurs de la République […], et il est nécessaire de pouvoir accompagner enseignants, chefs d’établissements, dans les interventions pour préserver [c]es valeurs […]. »

« Mais je viens surtout pour vous écouter et voir comment ces projets vous nourrissent, nourrissent les élèves, ce qu’ils leur apportent, et particulièrement dans le contexte qui est le nôtre aujourd’hui », ajoute-t-elle à l’adresse des enseignants. « À travers Pégase, on faisait déjà du vivre-ensemble, ça nous permettait déjà de traiter les valeurs d’égalité. C’est parce qu’on le faisait déjà dans Pégase qu’à cette réunion après ce qui s’est passé avec Samuel Paty, on s’est dit  »on fait quelque chose de fort, d’ambitieux » », évoque quant à elle une professeure d’histoire-géographie du collège.

Illustration dans son cours, où des élèves de 3e ont pris la parole devant le tableau où était projeté le portrait de Samuel Paty. « Notre professeur nous a distribué un document sur les questions que l’on peut se poser sur la liberté d’expression. Nous avons également appris que les caricatures existent depuis le Moyen âge. Elles sont un moyen de s’exprimer et de dénoncer les travers de la société », énoncent notamment, face à la rectrice, deux adolescentes, avant la diffusion d’une vidéo de 180 secondes réalisée par les élèves sur le thème de la laïcité.

« Cette laïcité, certes comporte des formes d’interdiction, mais c’est quelque chose qui est libérateur, qui permet d’exprimer la liberté […]. C’est ce qui permet de faire vivre l’égalité entre les élèves et cette liberté de croyance », souligne Charline Avenel en s’adressant aux collégiens, avant d’insister sur le fait que les enseignants ne doivent « pas douter du sens de leur mission ». « Ils me l’ont beaucoup rendu depuis ça (l’attaque terroriste à Conflans, Ndlr) et quand je leur ai dit qu’on allait recevoir des personnes. J’ai besoin de les remercier car ils ont tout donné pour vous accueillir, et je crois aussi beaucoup pour me faire plaisir », réagit la professeure, au bord des larmes.

De la 6e à la 3e, les 392 élèves de l’établissement ont été impliqués, au travers de différentes réalisations, comme des poèmes, des peintures, un journal avec des caricatures, ou encore une pièce radiophonique. Isabelle Aurousseau précise que les projets sont encore « en cours » mais qu’il est déjà intéressant de voir « le cheminement qui a amené à ces productions », et annonce que la journée Ariane en fête, prévue en mai, permettra d’assister à une restitution finale.