« On est sûrement un des seuls Ehpad des Yvelines à ne pas avoir eu d’épidémie. » Le docteur Fabien Juan, directeur de l’institut MGEN de La Verrière, qui regroupe une unité de psychiatrie, Ehpad et unité soins de suite et de réadaptation (SSR), assure que son établissement a anticipé les mesures de confinement pour juguler au maximum la vague épidémique de coronavirus, particulièrement meurtrière chez les personnes âgées et fragiles.

« Dès janvier, je me suis inquiété de ce qui se passait en Asie », confie-t-il. Insistant sur « l’engagement » de ses professionnels et « une gestion très proche du terrain », le directeur de l’institut MGEN affirme ainsi avoir « dès début mars décidé un isolement et un confinement de l’établissement », soit avant même les premières mesures du gouvernement, notamment en interdisant « toute visite et toute permission au sein de l’ensemble de la structure ».

« On a aussi pris une mesure en amont de confinement interne : avant, les résidents mangeaient en salle à plusieurs, et là, ils ont été confinés en chambre, ajoute-t-il. Parallèlement à cela, […] j’ai pris la décision de diminuer le nombre de professionnels sur l’établissement au strict minimum pour qu’ils puissent fonctionner, en mettant en télétravail la majorité des fonctions administratives. […] L’objectif était de limiter le nombre de professionnels contaminés, et d’avoir des moyens de protection pour tenir le plus longtemps possible car moins vous avez de professionnels, plus vous pouvez les équiper. »

Par ailleurs, tout patient nouvellement admis en santé mentale subissait une dizaine de jours d’isolement et la téléconsultation s’est développée. Et malgré toutes ces mesures, si des cas étaient avérés, chaque patient ou résident « avec des symptômes et testé positif » était transféré « en sanitaire, en SSR », où ont été admises « une soixantaine de personnes » pour « un peu plus d’une dizaine de décès » Covid depuis le début de la crise sur l’ensemble de l’institut, indique Fabien Juan, précisant toutefois que la majorité des patients « s’améliorent et vont retourner chez eux ».

Depuis le début de la crise, il n’y a « pas de Covid sur la santé mentale », et « plus de cas positifs détectés » en Ehpad, assurait le directeur de l’institut le 12 mai. Au sein du personnel, « entre cinq et dix cas » ont été déclarés sur 500 professionnels. Aucun d’entre eux n’a été hospitalisé.

« On a aussi travaillé en amont, mais on n’en a pas eu besoin pour l’instant, sur le fait de constituer une unité Covid sur la santé mentale et une sur l’Ehpad », évoque-t-il. Le directeur de l’institut aborde également la question éthique des mesures de confinement prises. « On s’est vraiment penchés sur comment le mettre en place pour que ça soit acceptable pour les résidents, expose le Dr Juan. On a questionné tous les résidents, […] on leur a proposé d’être confinés individuellement, beaucoup ont spontanément souhaité être confinés, et quand on en a eu un nombre assez important, et vu la situation, on a pris la décision d’un confinement complet de l’ensemble des résidents. »

Le tout, en prenant des dispositions pour éviter qu’ils ne souffrent trop de l’isolement. « On a mis les professionnels nécessaires autour d’eux, on a permis des contacts virtuels avec leurs familles, on a mis en place des kinés, des professeurs d’activité physique, pour aller les faire marcher un par un, qu’ils aillent dans le parc, on a mis beaucoup de moyens pour à la fois respecter de façon stricte ce confinement et donner de la mobilité à chacun des résidents », avance Fabien Juan.

Quant au personnel, il a notamment pu compter sur la solidarité venue de l’extérieur et qui leur a permis de ne pas trop souffrir de pénurie de matériel de protection, notamment les masques et surblouses. La générosité de donateurs s’est aussi manifestée par du matériel (dessins d’enfants, chaînes hi-fi, tablettes, fleurs, dons de boulangeries…) ayant permis d’égayer l’ambiance dans ce contexte particulier, qui tend malgré tout à revenir légèrement plus à la normale.

« Sur l’Ehpad, on a commencé à remettre en place des visites encadrées et planifiées, et pour la santé mentale, on est en train de déployer le port de masques tissu pour les patients, afin de leur donner la possibilité de circuler plus à l’extérieur des bâtiments et de reprendre les activités groupales », annonce Fabien Juan, insistant toutefois sur la persistance d’une « situation de gestion de crise Covid au moins jusqu’à fin juin ».

D’autant que la pandémie est, selon lui, loin d’être terminée et qu’une nouvelle vague est inéluctable. « J’incite fortement les professionnels à prendre des congés entre maintenant et fin août, car je ne sais pas ce qui va se passer à la rentrée, prévient-il. Nous pensons que la fin d’année va être difficile. »