Île-de-France Mobilités (IDFM) a publié, au début du mois, un rapport afin d’établir un bilan de ses réseaux de bus ouverts à la concurrence ayant plus d’un an d’ancienneté, et ce 3 ans après le lancement de l’ouverture à la concurrence en grande couronne. « [Fin mai], le conseil d’administration d’IDFM a auditionné tous les opérateurs de bus en grande couronne sur le bilan de leur année 2024 et les perspectives pour 2025. C’était une audition plutôt générale sur l’évolution du service de bus proposé en Île-de-France, nous explique-t-on du côté de l’autorité organisatrice des transports franciliens. On a divisé les réseaux de bus par départements. [Le rapport] montre l’évolution sur la ponctualité, l’offre réalisée, la qualité de service, les fraudes … Le but, c’est d’être transparents et de montrer l’évolution sur nos différents réseaux en Île-de-France. »

La Gazette a interrogé Pierre Ravier, directeur général adjoint d’IDFM, qui commence par nous dresser un bilan satisfaisant dans son ensemble. « Ce process était à la fois important, car ça touche une grosse dizaine de milliers de salariés, et on souhaitait le réussir, dans l’idée que ça permettait à IDFM, en tant qu’autorité commanditaire, de renforcer les incitations à la qualité de service, d’essayer de continuer à dynamiser le réseau de transports, le moderniser, affirme-t-il. Les 1ers indicateurs marquants, c’était la régularité des bus, qui était attendue. Et sur les contrats les plus anciens, on a gagné 5 points de régularité. Après, la régularité est évidemment un peu dépendante du territoire, suivant les conditions de circulation. […] Mais les 9 contrats ont progressé, ce qui pour nous est à mettre en lien avec le fait qu’on ait renforcé les exigences contractuelles, les opérateurs ont plus d’incitations économiques, donc ils y consacrent plus de management, de moyens … »

Il avance un taux de satisfaction voyageur « autour de 82 %  pour l’année 2024 à l’échelle des 36 contrats [en Île-de-France] », en « très légère progression l’année dernière ».  Et de préciser : « Les trois quarts des réseaux sont au-dessus de ce chiffre, et un quart en-dessous ». « Au-delà de 80 %, « c’est un bon seuil, estime-t-il. Ça ne veut pas dire qu’il n’y a pas de travail et que tout est parfait, mais les 1ers résultats mesurés sont globalement positifs. »

Le directeur général adjoint d’IDFM évoque ensuite le cas de SQY, en l’occurrence la Délégation de service public (DSP) numéro 29. SQY, un « exemple intéressant », juge-t-il d’ailleurs, rappelant que le contrat a commencé en janvier 2023 et a été confié à l’opérateur Francilité SQY, filiale du groupe Lacroix-Savac, « un groupe plus régional par rapport aux autres opérateurs nationaux, internationaux, que l’on a ». « Avec cet opérateur, on a recomposé le contrat, puisqu’il y avait jusque-là plusieurs opérateurs à SQY, ajoute-t-il. Maintenant, on a un seul opérateur, et ça nous permet d’avoir un opérateur de référence, et finalement de faciliter le lien, de ne pas avoir de débats, de bonne ou de mauvaise articulations entre les lignes de l’un et de l’autre. […] Ça induit un peu de conséquences sociales, puisque les conducteurs étaient dans plusieurs entreprises, maintenant ils sont dans une seule entreprise. »

« Le nouvel opérateur a bien géré le démarrage, assure-t-il. Et c’était plutôt à mettre à son bénéfice, puisqu’on était encore dans une phase où il y avait une pénurie de conducteurs à l’échelle nationale et régionale, il y avait une forme de tensions sur les ressources. Ce n’était pas simple à gérer, mais ils ont mis les moyens pour faire en sorte qu’on ne soit pas dans un démarrage où il manque des conducteurs. »

Le rapport d’IDFM mentionne pourtant que « des difficultés opérationnelles liées à la pénurie de conducteurs et à une immobilisation importante de véhicules ont marqué le début de la DSP ». « Globalement, côté personnel, les conducteurs ont plutôt été transférés sans trop de fuites. Le point qui a été plus difficile, c’est qu’un certain nombre de mainteneurs se sont faits débaucher par RATP dev, donc ça a plutôt accentué la tension sur le matériel roulant, explique Pierre Ravier. Mais on a convenu avec Francilité de leur fournir temporairement une vingtaine de véhicules supplémentaires le temps qu’ils puissent résoudre ces difficultés. Malgré tout, ça n’a pas trop affecté la production du service. »

Le 1er élément positif que le directeur général adjoint d’IDFM évoque est une certaine fiabilité du service. En effet, le taux d’Offre non réalisée (ONR) est passé de 2,33 % en 2024 à 0,67 % d’ONR en mars 2025 (en augmentation néanmoins entre 2023 et 2024) sur la DSP de SQY, selon Pierre Ravier et d’après le rapport d’IDFM. Il met en avant l’objectif que la production du service soit « au-dessus des 99 % », ce qui serait donc désormais le cas.

Un faible niveau d’ONR donc, et une satisfaction de « clients mystères » au-dessus des 95 % et/ou en hausse sur pleins de points (information voyageurs, taux de disponibilité des valideurs, commandes d’arrêts, boutons de porte, état et propreté intérieure des véhicules, respect des arrêts…). Et ce alors que dans certaines villes saint-quentinoises, les sujets de mécontentement se sont répétés ces dernières années, comme par exemple à Guyancourt (sur la question encore prégnante du renforcement de la fréquence des bus dans le quartier du Pont du Routoir, sur laquelle la Ville et les habitants ont récemment obtenu des avancées, lire notre édition du 3 juin dernier).

Mais Pierre Ravier fait état de manière générale d’améliorations de la fréquentation sur l’ensemble du réseau, alors que « c’est un réseau qui avait pas mal subi la situation du Covid », rappelle-t-il, indiquant que « de 2019 à 2023, le trafic avait globalement chuté de 20 % », mais qu’entre 2023 et 2024, celui-ci « a cru de 9 %, et la tendance 2025 est à presque 6 % [de hausse] ». « On est à peu près au même niveau maintenant que celui de 2019 », assure-t-il même.

Un nouveau dépôt de bus peu après l’ouverture à la concurrence

De l’effet Covid à l’effet JO, l’été olympique puis paralympique de 2024, avec 4 sites de compétition dans l’agglomération et une desserte bien sûr en bus avec également des passages par la gare de SQY/ Montigny-le-Bretonneux, où transitaient les voyeurs et spectateurs des Jeux, conduit à une forte mobilisation. Le rapport n’oublie pas de citer cette période exceptionnelle, où IDFM et les opérateurs ont dû s’organiser pour contribuer eux aussi au succès de l’événement. Pierre Ravier évoque « 3 lignes », « une centaine de bus articulés que Francilité gérait », et « plus de 90 % des salariés mobilisés ».

« Il y a un gros aspect de préparation, souligne-t-il d’abord. Il faut concevoir des solutions de transport efficaces et adaptées aux flux, car tout ça, c’est des enjeux de bonne gestion de flux. Il y a une certaine distance entre les gares et les sites, donc un enjeu à la fois de préoccupation de savoir comment les voyageurs arrivaient par le mode ferroviaire […]. Par exemple, pour la desserte du Golf national, entre les gens qui venaient d’un côté par Massy et de l’autre par SQY. Si tout le monde arrivait d’un seul côté, c’était difficile à gérer, donc il fallait savoir comment on équilibrait les f lux, en sachant qu’il fallait être agiles, si ça ne se passait pas comme prévu on pouvait réallouer des moyens plutôt sur une partie qu’une autre. »

Et de poursuivre : « Donc il y a toute une partie conception, avec un fort travail côté IDFM, un peu d’ingénierie, et un travail avec la collectivité pour les espaces publics autour des gares ». Il mentionne notamment un « long barriérage pour permettre aux gens la gestion des flux ». « Tout ça a demandé une mobilisation coordonnée entre IDFM, son opérateur, l’Agglomération et Paris 2024 », résume le directeur général adjoint. Après, l’opérateur devait préparer les ressources, que les conducteurs sachent par quel circuit ils passent, avoir des personnels sur le terrain … »

« J’ai dû être sur Élancourt [le 1er jour des épreuves de VTT], ajoute-t-il. On avait nos agents sur place, c’était nouveau pour IDFM, nos propres agents sur les zones de dépose reprise, pour leur faire remonter l’info (aux voyageurs, Ndlr) … Il y avait du stress au début. On savait quel était le volume de billets vendus, de spectateurs, et on imaginait à quelle heure les voyageurs allaient se présenter. Le 1er jour, par exemple, certains se sont présentés un peu plus tôt par rapport à ce qu’on imaginait, donc il y avait un peu d’attente pour le 1er ou les 2 1ers bus, et un peu peut-être de rodage pour savoir si on fait partir le bus à moitié plein ou si on attend, car si derrière, le train suivant est plein … Mais assez vite, ça a été assez fluide. »

Des bus qui, à cette période comme aujourd’hui, affluent notamment depuis le dépôt de Trappes-La Rigole, un nouvel outil opérationnel depuis le 1er août 2023. « Nos contrats sont aussi l’occasion parfois d’investir dans un outil de production, conclut Pierre Ravier. Là, l’idée était d’augmenter la capacité des dépôts de bus, donc c’est une installation qui reste à parfaire, au sens où on va aussi passer aux énergies propres. »

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