Suite au meurtre d’Aboubakar Cissé, jeune homme de 22 ans tué le 25 avril de 57 coups de couteau dans une mosquée du Gard, plusieurs communes se sont mobilisées. C’est notamment le cas de Trappes, qui organisait le 29 avril devant la mairie un rassemblement en mémoire d’Aboubakar Cissé mais aussi « contre l’islamophobie et toutes les formes de racisme ». Entouré de son équipe municipale, le maire Génération.s, Ali Rabeh, qui avait appelé à cette mobilisation, a pris la parole devant de très nombreuses personnes, dont certaines brandissaient de pancartes sur lesquelles on pouvait lire « L’islamophobie tue, stop au racisme ! », ou encore « Justice pour Aboubakar Cissé », et d’autres des drapeaux du Mouvement de la paix.
« [Le] meurtrier [d’Aboubakar Cissé] s’est filmé pour revendiquer son crime, indiquant sans ambiguïté sa haine des musulmans, a notamment déclaré l’édile. Il se trouve que je suis moi-même musulman. Je ne l’ai jamais affiché, jamais revendiqué. Cela relève de ma vie privée. Cela n’a aucune influence sur ma vie publique et mon rôle de maire. [Mais] l’heure me semble particulièrement grave. Car être musulman en France aujourd’hui, c’est vivre avec une cible sur le dos, c’est craindre qu’à force d’acharnement contre l’islam et les musulmans, ce soit un jour votre père, votre mère, votre voisin ou vous-même, qui n’en subissiez directement les conséquences. »
Pour l’édile, ce drame du meurtre d’Aboubakar Cissé montre à quel point le sentiment anti-musulman peut être prégnant dans notre société. Il pointe à ce titre du doigt l’extrême-droite, « visage officiel de l’islamophobie, délinquants multirécidivistes de la haine ». « Mais ce qui a changé ces dernières années, c’est qu’il n’y a plus seulement l’extrême-droite officielle pour faire des musulmans des bouc-émissaires », estime Ali Rabeh. Il fait ainsi référence, entre autres, à Jean-Michel Blanquer, « qui a inventé le fantasme de l’islamo-gauchisme », Gabriel Attal, « dont le seul bilan comme ministre de l’Éducation nationale aura été de nous rebattre les oreilles avec le port de l’abaya à l’école, pour se faire une petite notoriété sur le dos des musulmans », et même Emmanuel Macron, « inventant de nulle part un risque de séparatisme, dit-il, des musulmans dans notre pays ».
Mais la critique du maire de Trappes lui valant le plus d’applaudissements de la part de la population est celle contre Bruno Retailleau, le ministre de l’Intérieur, « qui hurle ‘’A bas le voile’’ […] et qui ne trouve pas le temps de se rendre au chevet de la famille d’Aboubakar Cissé (il a été critiqué pour avoir tardé à se rendre au chevet de la famille du jeune homme et déclaré que celui-ci était en situation irrégulière, Ndlr), parce qu’il est trop occupé à animer une réunion de son parti politique. Et ce sont tant et tant d’autres cyniques, menteurs ou paranoïaques, qui entretiennent dans les esprits faibles la peur de pseudos émigrés étrangers qui menaceraient la France. Ce vent mauvais qui souffle est immonde. »
Un vent mauvais qui serait largement entretenu par certains médias. Selon Ali Rabeh, en 2024, sur C News (des chiffres également évoqués par le journal Médiapart), « on a parlé d’islam 334 jours sur 365 ». Pour l’élu trappiste, « la stigmatisation quotidienne des musulmans permet d’oublier ceux qui sont véritablement responsables du malheur des Français et de l’état de notre pays ». Ces propos stigmatisants « ne sont pas sans conséquences », affirme le maire, soulignant que « 33 mosquées ont fait l’objet d’une tentative d’incendie depuis 2015, dont 6 rien que l’an dernier ». « Ces paroles haineuses n’ont pas été sans conséquences pour Aboubakar Cissé, qui a payé de sa vie son appartenance religieuse », ajoute-t-il.
L’élu va même jusqu’à faire un parallèle avec les heures les plus sombres de l’Histoire : « Dans les années 30, ce sont les juifs qui ont été ciblés comme responsables de tous les maux de notre pays et de notre continent, et cela a abouti au plus grand crime de l’histoire de l’humanité. […] Alors, nous n’en sommes pas encore là, et heureusement, mais c’est précisément maintenant, parce qu’il est encore temps, qu’il faut s’élever, se révolter contre les discours de haine qui ciblent toute une population, en la rendant coupable d’exister. […] Et pour cela, il n’y a qu’un seul moyen. Non pas celui de rentrer dans la spirale de la haine – c’est exactement ce qu’ils espèrent […] –, mais de leur donner tort sans relâche, et à chaque instant. »
Et de conclure : « La France c’est nous, mille fois nous, et certainement pas les propagateurs de haine qui arment la main des meurtriers. Vive la République, et vive la France ! » La foule a ensuite scandé des « Stop, stop, à l’islamophobie », avant d’observer une minute de silence en mémoire d’Aboubakar Cissé, et de déposer des fleurs et des bougies.