« Il nous a déjà viré de notre siège précédent au titre de travaux nécessaires, il nous vire à nouveau au titre de travaux nécessaires. Mais là, à la différence des fois précédentes, il n’y a pas de relogement. » Cette déclaration du président de l’Étoile sportive des cheminots de Trappes-Saint-Quentin-en-Yvelines (ESCTSQY), Jacques Michelet, résume bien la situation dans laquelle se trouve ce club trappiste de basket. Le conflit que connaît depuis plus d’un an et demi le club avec le maire Génération.s de Trappes, Ali Rabeh, a franchi une étape supplémentaire lors du conseil municipal du 14 avril dernier.

Une délibération portant sur le budget faisait mention de travaux dans le local de 26 m² affecté au club, situé allée Saint-Exupéry. « Dans les textes, il apparaît que notre nouveau siège qu’il (le maire, Ndlr) nous a imposés il y a un peu plus d’un an, au 4 allée Saint-Exupéry, va être mis en travaux, nous confie Jacques Michelet. C’est dans le budget 2025, ça signifie que c’est avant la fin de l’année. Donc, premièrement, nous l’avons appris à cette occasion d’une manière indirecte car il y a un conseiller municipal qui m’en a informé. Deuxièmement, il n’y a pas de proposition de relogement pour notre siège social. Ça signifie que non seulement il n’y a pas de financement, mais qu’il n’y a pas non plus de siège social du club, ce qui signifie notre disparition financière et administrative auprès de la municipalité. »

Pour rappel, le club avait déjà dû quitter ses précédents bureaux, rue Jean Jaurès, puis plus récemment au 21 rue de Montfort, pour aller allée Saint-Exupéry, dans un local 2 fois plus petit, d’une surface de 26 m². Un local qui est d’ailleurs en réalité « une pièce, voilà tout ce dont on bénéficie, et une petite salle de réunion commune à celle de l’ensemble des associations hébergées à cette même adresse, ce qui, pour une réunion importante de notre club, n’est pas suffisant, ni pour stocker l’ensemble du matériel, ce qui fait que nous sommes obligés de louer des locaux de stockage ». Pour rappel, le club compte 370 adhérents.

Le club lance un appel aux dons pour survivre

Un nouveau siège, qui deviendra donc bientôt à son tour l’ancien siège, mais cette fois, sans solution de repli. Pour le président trappiste, ce départ des locaux « supprime la réalité du club sur Trappes ». « Sans adresse, sans locaux de siège, la mairie a la possibilité de nous supprimer – puisque, juridiquement, nous n’existons pas dans la commune – ce que nous avions depuis 90 ans, à savoir des gymnases pour notre activité », redoute-t-il.

Il rappelle que l’ESCTSQY avait « déjà une limitation très importante de nos créneaux d’entraînements et de matchs » cette saison et a même dû délocaliser certaines séances à La Verrière, « qui nous a hébergés très gentiment ». « Il (le maire, Ndlr) a réussi à nous pourrir notre saison de Nationale [3], premièrement en ne nous accordant pas d’entraînements avant le début de la saison, et deuxièmement, en nous supprimant la salle pour le 1er match [à domicile], ce qui nous a valu une perte de match sur tapis vert », poursuit le président.

Pas de gymnase en début de saison (depuis, le club a quand même pu disputer ses autres rencontres de N3 au gymnase Mahier, comme prévu, Ndlr), peut-être bientôt plus de locaux, et déjà plus de subvention depuis près de 2 ans. « Je ne vois pas comment nous pourrions avoir un siège social si la municipalité ne nous l’accorde pas, pour une raison très factuelle, c’est qu’il (le maire, Ndlr) nous a retiré tout moyen financier », déplore Jacques Michelet.

Le club touchait jusqu’à l’année dernière 100 000 euros de subventions de la municipalité et 35 000 de la part de SQY. Il ne touche plus désormais que la subvention de l’Agglomération, « alors qu’en 2010, nous avions 180 000 euros de la part de la municipalité et 150 000 de la part de SQY », selon Jacques Michelet, avançant que pourtant, le nombre d’adhérents a été multiplié par 2,8 entre 2020 et 2024, outre bien sûr la présence de l’équipe fanion en championnat de niveau national (N3).

Sur ce dernier point, le président de l’ESCTSQY balaie les accusations d’Ali Rabeh selon lesquelles cela se ferait au détriment de la pratique pour tous au bénéfice des Trappistes. « Il nous accuse de faire un basket de professionnels, de ne pas nous occuper des jeunes trappistes, or ce n’est pas les effectifs de la N3 qui ont augmenté, ça concerne une quinzaine d’éléments (la N3, Ndlr), et ces éléments sont totalement intégrés au club, puisqu’ils participent à l’animation du club. »

Les subventions, les pratiques, font partie des nombreux points de griefs entre le club et le maire, pour lequel un recours judiciaire a été lancé par le club contre l’édile, face aux accusations diverses de ce dernier envers l’ESCTSQY (accusations de malversations, comportements supposés violents de certains joueurs et dirigeants, lire notre édition du 9 avril 2024). « La seule ‘‘chance’’ pour M. Rabeh de gagner, c’est que nous ayons disparu au moment du procès, concède Jacques Michelet. Nous prenons les dispositions pour ne pas disparaître. Ce que nous avons déjà fait, car normalement, avec l’asphyxie financière, nous aurions dû disparaître depuis 1 an. »

Ainsi, le club trouve des moyens pour survivre. « Ce qui était auparavant des dépenses pour le club, on les a transformées en recettes. Nous sommes devenus fabricants de nos besoins vestimentaires de matériel … Nous avons d’abord proposé à nos adhérents ces matériels à des prix sans concurrence […], et en plus, il y a des clubs amis qui ont désiré bénéficier de ces conditions, et nous leur avons accordé, explique le président. Les déplacements à très fort budget […], nous en avons également fait un revenu, à savoir que nous avons acheté sur notre trésorerie 2 minibus et en faisons la location lorsqu’ils ne sont pas utilisés par le club. […] La 3e raison de notre existence, ça a été l’investissement, des dirigeants notamment, sur leurs fonds personnels, pour le fonctionnement du club. »

L’ESCTSQY a aussi lancé un appel aux dons. Sa réussite pourrait bien être cruciale pour l’avenir du club, puisque, « aujourd’hui, nous ne sommes pas à même de solder nos dettes à l’égard de la Fédération, et nous n’avons pas les finances pour tenir les engagements qui arrivent en mai », reconnaît Jacques Michelet.

Ce dernier assure en revanche que « nous avons les moyens de terminer le championnat ». Même si, sur le plan sportif, les résultats sont cauchemardesques, avec seulement 3 victoires en 23 matchs et une avant-dernière place de la poule. La relégation semble inéluctable, alors que les 4 derniers descendent, et que le club est actuellement avant-dernier avec 10 points de retard sur le premier non-relégable, à 3 journées de la fin. « Nous n’avons pas la possibilité » de se sauver, admet le président, tenant toutefois à préciser qu’avec toutes ces difficultés, « nous avions commencé la saison avec des joueurs de départemental, nous avons fait appel à nos jeunes joueurs U20 voire U16 ; notre meneur est un cadet ».

L’ESCTSQY devrait donc boucler l’exercice 2024-2025 relégué. Et ensuite ? L’avenir est pour l’instant flou, et la rumeur de création d’un 2e club de basket à Trappes, appuyée par le maire, est confirmée par Jacques Michelet : « Il a créé un 2e club. Il y a 10 personnes qu’il avait utilisées pour crée une scission au sein du club (de l’ESCTSQY, Ndlr). Ça a été un prétexte pour nous retirer des créneaux. » Contactée, la ville de Trappes ne nous a pas répondu avant la mise sous presse de notre édition.

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