L’État a déclaré la guerre au trafic de stupéfiants et les Yvelines ne font pas exception. Le préfet du département, Frédéric Rose, a présenté le 25 février à Versailles, en compagnie de représentants de la justice, de la police ou encore de la gendarmerie, son plan de restauration de la sécurité du quotidien. Une feuille de route en 8 priorités où la lutte contre les stupéfiants figure en tête.

Sur ce plan, les Yvelines ont pour caractéristique d’être à la fois « un département de passage de go fast, et d’usage, avec des consommateurs qui peuvent avoir des moyens financiers de consommer », résume Emmanuelle Lepissier, procureure de la République par intérim auprès du parquet de Versailles. Le préfet des Yvelines salue lui l’action « très soutenue » déjà menée dans le département à ce sujet. « On a référencé les points de deal dans les Yvelines, et depuis 2023, on a 14 points de deal qui ont été démantelés, soit une baisse de 20 % par rapport au nombre de points de deal, poursuit Frédéric Rose. Le démantèlement n’empêche pas de reconstitutions, mais parfois ils ne reviennent pas. »

L’action doit aussi se mener sur le réseau routier du territoire, avec divers enjeux, notamment de sécurité routière. « Plus d’un tiers de nos victimes d’accidents mortels ou corporels de la circulation sont des consommateurs ou en face d’un véhicule qui les a percutés dont le conducteur est un consommateur de stupéfiants », expose ainsi Vincent Roche, commandant du groupement de gendarmerie départementale des Yvelines, évoquant aussi des enjeux liés au « contrôle des flux par rapport à la maîtrise de la circulation du produit stupéfiant, l’action sur les nouveaux modes de livraison de type ubershit ».

Et dans le cadre de combat contre les stupéfiants, les Yvelines peuvent compter sur un renfort de l’antenne départementale de l’Office anti-stupéfiants (OFAST 78). Celle-ci, qui compte une trentaine d’enquêteurs, a un nouveau directeur (le poste n’était pas pourvu dans les Yvelines), présenté à l’occasion du dévoilement du plan de restauration de la sécurité du quotidien. « C’est une unité d’enquête judiciaire qui travaille à la fois sur les vecteurs d’importation des produits stups sur le département, avec parfois des connexions alentours », explique le nouveau chef de l’OFAST 78, qui n’a pas souhaité que son nom apparaisse dans notre article.

Il ajoute que l’antenne qu’il dirige s’attaque à la fois aux filières d’importation « mais aussi aux réseaux de distribution, sur le haut du spectre ». Parmi les importations, il cite notamment la filière depuis l’Espagne, qui « pour la résine de canabis, est toujours très active, avec des techniques de type go fast ». Il mentionne à ce sujet la saisie récente « de 556 kg d’herbe de cannabis, qui alimentait des points stups des Yvelines et d’autres départements d’Île-de-France ».

« Sur le volet point de deal, on travaille en étroite collaboration avec les commissariats, les acteurs de terrain au sein des circonscriptions, afin de recueillir leurs informations et d’avoir un rôle de chef de file dans le départemental sur la lutte contre les stupéfiants, avance-t-il également. Il y a plusieurs entités dans le département qui travaillent sur les stupéfiants : des groupes dans les commissariats, les policiers sur la voie publique, la direction de la criminalité territoriale. Donc l’OFAST a aussi ce rôle de coordination de l’action contre les stupéfiants dans le département, même si elle gère aussi des affaires en propre sur le haut du spectre et sur les vecteurs d’importation. »

Comparant le commerce de la drogue à un immeuble « avec des niveaux de trafics à chaque étage », Frédéric Rose entend « taper fort à tous les étages, ne pas forcément faire que le point de deal ». « On met fin à un trafic, on calme un quartier, mais on travaille aussi sur l’ensemble de la chaîne, affirme-t-il. Donc c’est important d’avoir cet office (l’OFAST, Ndlr), qui permet de coordonner l’action des services, de partager le renseignement pour éviter que l’affaire soit mise en concurrence entre d’autres services, et on peut avoir un travail d’investigation complet qui permet de remonter des filières et d’essayer de taper des donneurs d’ordre et des têtes de réseau. Le point de deal, c’est un peu usant. Souvent, il renaît à côté, on a des jeunes qui sont présents dans les points de deal qui ne sont souvent même plus des jeunes des Yvelines, on a des renforts extérieurs qui viennent. Donc c’est un travail de fond qu’il faut faire. »

Le préfet insiste aussi sur le travail à effectuer vis-à-vis des consommateurs, et pas uniquement des trafiquants, et ce alors que, si les mises en causes pour trafic de stupéfiants ont diminué de 1,2 % dans le département en 2024, celles pour leur usage ont augmente de 4,6%. « Il n’y a pas d’offre s’il n’y a pas de demande. Mais en France, quand vous demandez, personne ne consomme de stupéfiants. On a des go fast à 500 kg, mais on ne sait pas pour qui, constate-t-il. Il y a un sujet de consommation. Il y a différents aspects pour prendre ça en charge : un travail de pédagogie, de prévention dans les écoles avec les policiers et gendarmes, et un travail de répression sur les consommateurs. C’est pour ça que les chiffres sont en hausse. » Les autorités ont notamment « intensifié énormément » l’amende forfaitaire délictuelle, « qui permet de verbaliser tout de suite le consommateur, et d’avoir le paiement sur place au moment de la constatation de l’infraction », rappelle-t-il.

Ainsi, les stupéfiants constituent la ‘‘priorité des priorités’’ de ce plan de restauration de la sécurité qui « répond à un souhait du ministre de l’Intérieur de laisser un peu la main aux territoires, rapporte Frédéric Rose. Il l’a très clairement dit, ‘‘Paris ne sait pas tout’’. Paris est là pour donner un cadre d’intervention, mais il faut aussi que les territoires adaptent leurs dispositifs aux enjeux de sécurité. […] La délinquance dans les Yvelines n’est pas la même que dans le 93 ou que dans l’Ardèche. C’est bien d’avoir un cadre national donné, mais c’est aussi très important d’avoir des spécialités locales. Donc on a vraiment travaillé en local, avec les services de police et de gendarmerie, on a échangé avec certains maires, certaines polices municipales, on a associé l’autorité judiciaire, et on s’est vraiment concentrés sur un diagnostic territorial. »

Baisse de la délinquance de 2,2 % dans les Yvelines en 2024

En sont sortis, outre les stupéfiants, 7 autres axes de combat : les filières d’immigration clandestines et le travail dissimulé, les vols par effraction, les vols liés à l’automobile, la délinquance et autres incivilités dans les transports en commun, les violences urbaines et les rixes inter-quartiers, les atteintes à l’environnement et au cadre de vie, et le renforcement du lien avec la population. Concernant par exemple la lutte contre les atteintes à l’environnement et au cadre de vie, les Yvelines sont un territoire « qui a une qualité de vie environnementale importante », mais touché par des comportements allant « de la pollution à la dépose sauvage », et face auxquels « c’est aussi nécessaire qu’on puisse avoir des modes de réponse et d’enquête ciblés », relate le préfet. Comme avec la création du Colden (Comité opérationnel de lutte contre la délinquance environnementale), mis en œuvre en 2024.

Les vols d’accessoires dans les véhicules, sont un « sujet particulièrement prégnant sur notre zone (la zone gendarmerie, où se situent 180 des 259 mairies des Yvelines, Ndlr), particulièrement sur le Nord-Est du département », révèle Vincent Roche, ajoutant que « par une occupation importante du terrain et des opérations judiciaires coordonnées, on parvient progressivement à se saisir de ce phénomène ». Le patron des gendarmes yvelinois donne l’exemple d’une filière de vols de banquettes de véhicules automobile (lire page 10) : « Ça peut faire sourire, sauf que c’est presque 150 000 euros de préjudice, des dizaines de victimes. Ce genre de filière a pu être démantelé par cette concentration des moyens d’enquête. »

Pour autant, la problématique du vol d’accessoires sur véhicules est loin d’être résolue. C’est même celle qui a subi la plus forte hausse entre 2023 et 2024 dans les Yvelines : + 57,7 %. L’un des nombreux chiffres de la délinquance en 2024 dans le département révélés le 25 février dernier par Frédéric Rose. Autres augmentations, celles des vols avec armes (15,7%) ou encore des violences sexuelles (+3,7%, toutefois en-dessous des tendances nationale et régionale, respectivement à +7% et +10%).

Néanmoins, la délinquance a globalement baissé dans le 78 au cours de l’année passée, avec une moyenne de -2,2 %. Parmi les phénomènes en diminution, les atteintes aux personnes : -37,5 % pour les homicides, -5,8 % pour les tentatives d’homicide, -2 % concernant les coups et blessures volontaires, tandis que, 1re depuis 2016, les violences intrafamiliales baissent, de 3,4 %. Sans oublier les vols avec violence sans arme et vols sans violence, en diminution de respectivement 12,5 et 6%. Autre type de délinquance en baisse : celle concernant les atteintes aux biens. On notera un – 11,7 % sur les cambriolages, et ce alors que l’« on est un territoire cible, car on a certains quartiers plus riches que d’autres », souligne le préfet. Les destructions et dégradations volontaires chutent elles de 5 %, et les vols de véhicules de 2,3 %. »

« Au-delà des baisses statistiques, c’est des victimes qu’on arrive à éviter », salue Olivier Dimpre, Directeur interdépartemental de la Police nationale (DIPN). Mais la préfecture entend ne pas s’arrêter là. « Tout ne va pas forcément bien quand même », admet le préfet en référence aux méfaits en hausse. Il assure toutefois que « les tendances sont plutôt positives », tout en faisant part d’« axes d’amélioration à tenir ».