Ou quand les limites humaines paraissent sans fin… L’ultra-triathlon, vous connaissez ? Cette discipline est dérivée du triathlon mais en encore plus grand, puisque la plus petite distance de l’ultra-triathlon équivaut au double de l’ironman, qui n’est autre que la plus longue distance en triathlon. Soit 3,8 km de nage en bassin de 50 m, 180 km de vélo pour l’ironman, et 42,2 km de course à pied, et donc 7,6 km de nage, 360 km de vélo, et 84,4 km de course à pied pour le double ironman. Et les distances peuvent être multipliées par 3, 5, 10, 20, voire 30.
Dans ce sport de très grande endurance donc, c’est un Français qui est actuellement le grand champion, et il vient des Yvelines. Goulwenn Tristant, pompier volontaire à Plaisir, domicilié dans la vallée de Chevreuse, a remporté le 7 octobre dernier en Italie, le triple déca Ironman, soit 30 fois la distance du plus long format du triathlon : 114 km de nage, 5 400 km de vélo, et 1 266 km de course à pied. Le tout bouclé en 37 jours en continu, dans ce format x30 qui était nouvellement au programme.
Cette performance vient parachever la saison de Coupe du monde de Goulwenn Tristant, qui remporte ainsi son 4e titre mondial (le classement a désormais été officialisé sur le site internet de la Fédération internationale d’ultra-triathlon), après ceux de 2016, 2022 et 2023. Une belle consécration pour celui qui est quasiment un autodidacte de la discipline, et qui, en 2011, avait débuté par l’ironman de Nice par « simple défi », se souvient-il, contacté par la Gazette.
Car c’est bien il y a 13 ans que tout a commencé. « À la base, je venais des sports de combat, du trail et de l’ultra-trail. C’est en 2011 où j’ai commencé à prendre un virage à 180°, raconte l’homme aujourd’hui âgé de 43 ans. J’avais envie de me lancer un challenge. Je n’ai jamais été passionné par le triathlon, je n’ai jamais été nageur ni rouleur. Je n’ai fait que de la course à pied […]. Mais comme je suis quelqu’un qui ne se refuse à rien et ne s’interdit rien, très ouvert et curieux de ce qui se fait dans le milieu du sport, c’est là où les mots triathlon et surtout ironman sont arrivés à mes oreilles. […] Après un an de réflexion, je me suis dit pourquoi pas essayer, relever ce défi. »
« Je me suis inscrit pour l’ironman de Nice de 2011, et de là, a commencé une pseudo préparation physique, poursuit-il. Je suis allé me tester un peu en piscine […], je me suis acheté un vélo 4-5 mois avant la compétition […]. jusqu’à présent je n’étais jamais monté sur un vélo de route, et j’ai continué la course à pied. » Cet ironman, il parvient à le terminer, « un grand succès, une grande surprise, personne n’y croyait ».
Pour autant, Goulwenn Tristant n’envisageait alors pas de suite et avoue avoir même « revendu [s]on vélo ». « Sauf qu’après, le mot ironman, est revenu à mes oreilles, je me suis dit ‘‘Pourquoi pas en refaire un, mais avec plus de difficulté’’, continue le pompier plaisirois. J’ai continué à en faire 3-4, […]. Et j’ai eu vent qu’il existait un double ou un triple ironman. […] En 2013, je m’inscris au triple ironman de Lensahn (Allemagne). »
C’est donc outre-Rhin que débute sa découverte de l’ultra-triathlon, avec d’emblée une drôle de surprise. « Je me rends là-bas en juillet 2014, et arrivé là, j’apprends que c’est une course qui fait partie du calendrier de la Coupe du monde d’ultra-triathlon, glisse Goulwenn Tristant. J’y vais la boule au ventre, car je n’ai que 3-4 ironman en bagage, et là, je passe directement sur un triple ironman. […] Et la finalité, c’est que je deviens finisher de ce triple ironman. »
Le mariage prend. Goulwenn Tristant se renseigne sur le calendrier de l’ultra-triathlon, et décide de se lancer dans une saison complète en 2015. Soit entre 4 et 9 courses du printemps à l’automne. Le début d’une ascension fulgurante. En 2015, dès sa 1re saison, soit l’équivalent de 24 distances ironman, il se classe 1er Français et 6e mondial. « Pour moi, c’est une énorme fierté », évoque-t-il.
Dès l’année suivante, le voilà sur le toit du monde, 5 ans après son 1er ironman. Un 1er titre mondial mais une progression stoppée pour des raisons professionnelles. « Après 2016, mon parcours s’arrête, car je quitte les pompiers de Paris (où il officiait à l’époque, Ndlr), je n’ai plus de revenu professionnel », explique Goulwenn Tristant, qui doit alors « [s]e reconstruire professionnellement parlant » et se tourne vers l’immobilier. « Ça me prend énormément de temps, d’investissement, je suis obligé de couper court avec le sport », raconte-t-il.
Ce n’est qu’en 2022 et un « alignement des planètes professionnellement et familialement parlant » qu’il reprend l’ultra-triathlon … et retrouve le chemin de la victoire incroyablement vite. « Je repars de zéro. Depuis 2016, j’avais complètement arrêté le sport, et je suis passé de 70 à 98 kg. La préparation physique d’avant-saison est très compliquée, et j’arrive tout juste à revenir à un poids de forme, souligne-t-il. Au fil des courses, je retrouve de bonnes sensations, j’arrive à me rééquilibrer au niveau du poids et de l’alimentation, de l’hygiène … Sur la toute fin de la Coupe du monde d’ultra-triathlon, je remporte un 2e titre mondial. » La machine à gagner est réenclenchée. En 2023, nouveau titre en Coupe du monde, avant donc la 4e ligne au palmarès en 2024.
Pour afficher un tel palmarès, celui qui est surnommé Monsieur Performance se prépare intensément. « À chaque fois, ma préparation physique, je la commence en novembre-décembre, pour réhabituer le corps à courir, à faire du vélo, détaille ce père de famille. Quand les grosses compétions approchent, à 2 mois de l’événement, je vais me rajouter 1 h de plus au quotidien […]. Je commence la saison avec 12 h d’entraînement par semaine, et à l’approche des compétitions, c’est du 15 h par semaine maximum. »
Un x40 ironman en 2025 ?
Ce qui semble déjà énorme compte tenu de toutes ses occupations. L’ultra-triathlon, en plus de son travail dans l’immobilier et sa vie personnelle, Goulwenn Tristant doit aussi le concilier avec son activité de coach en préparation mentale auprès de sportifs. « C’est très borderline, concède-t-il. Mais comme je suis dans un état d’esprit à ne pas me refuser quoi que ce soit, je trouve des solutions. […] Par exemple, à l’approche de compétitions, je vais régulièrement m’entraîner le soir ou la nuit. »
En tout cas, il ne compte cette fois pas lâcher l’ultra-triathlon et se voit continuer dans cette discipline « encore plus de 10 ans ». Et ses entraînements devraient vite s’accentuer, car en 2025, la saison commence dès mars. Le calendrier reste encore à affiner, mais « ils parlent de mettre un x40, soit en Pologne, soit en Italie, ou peut-être même dans les deux pays », rapporte-t-il. Un nouveau défi encore plus extrême que Goulwenn Tristant sera à coup sûr encore prêt à relever.
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