Des carrières de meulière … aux Jeux olympiques. La colline d’Élancourt, anciennement colline de la Revanche, a un riche passé que certains s’évertuent à ne pas faire oublier. L’Institut d’histoire sociale (IHS) de la CGT des Yvelines organisait ainsi le 15 juin, en collaboration avec des partis politiques (PCF, Génération.s, PS …) un rassemblement puis une marche, de la place de Paris jusqu’à un peu avant le pied de la colline, dans le quartier de la Clef de Saint-Pierre, à Élancourt.

Le but : « Retracer la mémoire d’un épisode historique, qui est très peu connu, voire oublié, c’est celui de l’immigration de nombreux Italiens, de la même ville, Giaveno (dans le Piémont, Ndlr) dans l’entre-deux-guerres », explique Michel Schaeffner, un des animateurs de l’IHS de la CGT, rencontré sur place.

Ces immigrés avaient alors travaillé sous l’actuelle colline, à l’extraction de la pierre meulière, avec laquelle ont été bâties de nombreuses maisons yvelinoises. « [Ils]fuyaient la misère sociale, le fascisme, et en même temps, ils répondaient à une demande en France de reconstruction après la guerre, poursuit-il. Donc il y a eu une grosse immigration italienne, dont de très nombreux qui sont venus de Giaveno, vers d’une part la carrière de La Revanche, qui avant que ce soit une colline, était une carrière de pierre meulière. Ces ouvriers se sont répartis sur l’ensemble des carrières dans le coin, celle de La Revanche, mais aussi Chevreuse et Cernay. »

Dans un communiqué, les organisateurs du rassemblement, qui ont mené un important travail de recherche, rapportent que « de 1921 à 1936, on peut estimer qu’une centaine d’ouvriers ont été employés à la carrière de la Revanche, soit 200 à 250 individus, femmes et enfants compris (sur 800 000 Italiens recensés en France en 1931, Ndlr) ». Le communiqué évoque aussi des travaux « durs, pénibles et dangereux », et concède que « les accidents n’étaient pas rares, des cas de morts au travail sont relatés ».

« On a voulu travailler là-dessus car on pense que cette histoire mérite d’être connue […]. On parle beaucoup de la colline comme site olympique, mais avant d’être un site olympique, ça a été un site où des immigrés italiens, ont fait des travaux très durs, dans la souffrance, et ont participé à la construction du pays, souligne Michel Schaeffner. Donc l’immigration, ce n’est pas une calamité, c’est une richesse. ». « Cette histoire mérite d’être connue, pour eux, les protagonistes, et pour nous, les générations futures, qu’on sache ce qu’a apporté cette immigration », estime-t-il.

D’où l’importance selon lui de ce rassemblement, où l’on retrouvait, parmi la quarantaine de personnes présentes, des représentants syndicaux, politiques, mais aussi des habitants du secteur. Comme Claude Stassinet, Élancourtois confiant avoir été le témoin de la présence ouvrière italienne sur les lieux, qui a perduré bien au-delà de l’après-guerre selon lui. « J’ai vu les gars charger les camions à la pelle », raconte l’homme de 75 ans, assurant que « l’exploitation du sablon a duré jusque dans les années 1990 ».

La marche vers la colline s’est effectuée pour plusieurs personnes photos d’époque à la main. Des documents qu’ils souhaiteraient voir diffusés un maximum. « On a renoué des contacts avec des descendants de ces carriers italiens […]. Depuis trois générations, la transmission orale s’efface si elle n’est pas fixée par écrit. Donc, nous, ce qu’on voudrait sur Élancourt, c’est que la Ville s’approprie cette histoire, affirme Maria Bolzinger, ex-élue PCF d’opposition à Élancourt. Il faut qu’on voie sous quelle forme. »

Et Michel Schaeffner de conclure lors de son discours au pied de la colline : « Le passé ne doit pas s’effacer ! Ce ne sera que leur rendre justice. Et la colline aura alors eu sa Revanche ! »