Le débat sur la gestion de l’eau s’invite au conseil communautaire de SQY. Le 13 février, un rassemblement s’est tenu, à l’initiative du collectif eau Versailles-Saint-Quentin, et en présence d’élus de gauche de l’agglomération, en amont du conseil communautaire de SQY. Les participants à la mobilisation réclamaient un mode de gestion en régie publique, mais surtout « une gestion équitable de l’eau » sur les territoires de SQY et VGP (Versailles Grand Parc), la gestion de l’eau étant commune aux 2 Agglomérations. Cette gestion, pour la partie distribution, a été confiée à Aquavesc, et pour la partie assainissement de l’eau, à Hydreaulys dans le cadre d’une Délégation de service public (DSP). Dans le 1er cas de figure, le contrat avec Aquavesc a été renouvelé jusqu’en 2038.

« Le principe de continuer avec le privé est acté, mais les conditions à l’intérieur de ce contrat ne sont pas encore définies, a commencé par nous confier Nicolas Kaczmarek, l’un des animateurs du collectif eau, interrogé lors de la manifestation devant la salle du conseil. On veut influencer le cahier des charges, pour qu’un certain nombre de revendications qui, on pense, vont dans le sens de l’intérêt général, soient intégrées à ce cahier des charges, tout en préservant l’équilibre économique du contrat. »

Premier élément réclamé, une tarification dite sociale et progressive. « Les 20 1ers m³ gratuits ou presque. Ça c’est l’eau pour la survie, on estime que c’est une eau qui ne devrait pas être payée, car c’est de l’eau vitale. Pour compenser, on voudrait que les tarifications ‘‘de luxe’’, excessives, elles aient des tranches qui soient plus élevées », explique Nicolas Kaczmarek.

À SQY, la gestion de l’eau est confiée à Aquavesc pour la partie distribution d’eau potable et Hydreaulys pour l’assainissement.

Une pétition a, un mois après sa mise en ligne, recueilli plus de 1 200 signatures. La tarification sociale y arrive en 1er point, et serait, selon les pétitionnaires, le remède à « des factures injustes », notamment « dans les logements collectifs », où « l’eau est facturée au prix fort dès le 1er m³ ». Autre point dénoncé : « des réseaux négligés : chaque jour, l’équivalent de 35 000 euros d’eau s’évapore en raison des fuites dans les canalisations, insuffisamment entretenues ». Face à cela, les signataires réclament « plus d’investissements pour réduire les fuites et moderniser les infrastructures » et « un taux de renouvellement annuel des canalisations de 1% est un minimum ». « Actuellement, on est 0,8 % », selon Nicolas Kaczmarek.

3e point : « Un contrôle strict des sommes versées par le délégataire privé à sa maison-mère (Suez, Ndlr) afin de garantir que ces transferts bénéficient directement aux usagers », et ce alors que « chaque année, plus d’1 million d’euros, prélevé sur les factures des usagers, est versé à Suez au titre des “services centraux” et de la “recherche” », d’après la pétition.

Ces éléments de la pétition se sont retrouvés en conseil dans le vœu de l’opposition, intitulé « Pour une gestion équitable et vertueuse de l’eau » et lu par Annie-Joëlle Priou-Hasni (DVG), conseillère communautaire et aussi élue d’opposition à Plaisir. Elle a également affirmé que ce combat n’était pas idéologique et qu’en France, des villes de droite comme Nice ont opté pour la régie publique.

Jean-Michel Fourgous, le président LR de SQY, a rappelé que « la majorité qui était là avant la majorité de droite avait ce système privé ». « On peut être surpris de refaire cette guerre public-privé », a-t-il estimé. Eva Roussel, conseillère communautaire déléguée au cycle de l’eau, a ensuite défendu le choix de l’Agglomération de recourir à la DSP. « Le domaine de l’eau est spécifique et particulièrement complexe sur notre territoire, car le poids de l’histoire et les infrastructures qui existent aujourd’hui ne nous permettent pas de tout concentrer et de simplifier à outrance le dispositif », a commencé par déclarer celle qui est aussi adjointe à Villepreux.

« La bonne solution du voisin n’est peut-être pas la meilleure pour nous »

« Produire et distribuer une eau potable de qualité, on est tous d’accord là-dessus », a-t-elle poursuivi. Mais elle avance aussi que SQY n’a pas forcément les moyens de changer de mode de gestion : « On n’est pas en mesure de le faire, car nous n’avons pas de champ captant (zone regroupant un ensemble d’ouvrages de captages prélevant l’eau souterraine d’une même nappe, Ndlr) sur notre périmètre, ni d’usine de traitement, elle se trouve à Louveciennes. Donc d’une manière comme d’une autre, on est tributaires […] de Suez, qui possède une grande partie de la production, que ce soit directement sur notre territoire ou sur d’autres périmètres […] car le réseau est maillé. Le Siryae (syndicat de gestion de l’eau minoritaire sur le territoire par rapport à Aquavesc, mais qui concerne néanmoins, à SQY, les villes d’Élancourt et Magny, Ndlr), c’est pareil, il a la main et c’est son patrimoine de posséder la ressource et ensuite de pouvoir la traiter. Ce n’est pas notre cas. »

Eva Roussel, par ailleurs vice-présidente d’Hydreaulys, contrecarre aussi l’idée que le réseau ne serait pas assez entretenu à SQY. Elle évoque, concernant Aquavesc, « plus de 90 % de taux de rendement », alors qu’ « au niveau national, on est à peine au-dessus de 81,3 % ».

« En France, un réseau étanche d’eau potable, […] ça n’existe pas. C’est 1 milliard de m³ par an qui partent dans les réseaux, car il y a des microfissures, ce n’est pas étanche à 100 %, concède la conseillère communautaire. C’est certainement pas 35 000 euros, en tout cas pas sur le territoire, c’est maximum 5 000 sur SQY. C’est un scandale, je suis d’accord, c’est pour ça qu’on investit aussi dans toutes les technologies numériques, qui nous permettent de détecter les inspections télévisées qui sont réalisées de manière systématique sur les réseaux, tous les systèmes de captures d’ultra-sons, tout ce que l’on peut investir dans ce domaine pour réduire ces fuites. » Face aux médias, après le conseil, elle a fait état d’« entre 15 et 20 millions d’euros par an » d’investissements « pour renouveler ces réseaux, réduire les fuites, les détecter ».

L’élue se montre aussi réticente au sujet d’une tarification sociale. « Les consommations d’eau potable diminuent chaque année, expose-t-elle. Toutes les bonnes pratiques, les écogestes que nous faisons, de plus en plus de manière systématique, font que l’on consomme moins d’eau. […] Les coûts augmentent, les charges augmentent, et le prix, ont aimerait bien que ça baisse. Mais comme les recettes dépendent des consommations, on a un effet ciseau. »

Et de poursuivre : « On est contre la tarification binomiale avec une part fixe et une part variable. Quand on consomme peu, on se dit ‘‘Il faut que je paie moins’’. Sur la part variable, c’est vrai, mais malheureusement, que l’on consomme beaucoup, peu ou moyennement, quoi qu’il arrive, on a besoin du réseau, on a besoin de lignes de traitement … Donc demain, si on se met tous à consommer beaucoup moins mais que la tarification a du mal à s’ajuster, on se retrouve avec des recettes qui diminuent, et, en France, la consommation en 2023 a diminué de 3 à 4 %. À SQY, on est plutôt à -7 %. Ça veut dire qu’on est encore plus vertueux que la moyenne, mais aussi que l’on fait comment pour équilibrer les recettes avec les coûts qui, eux, augmentent ? Le prix moyen pour SQY, pour un particulier, c’est 390 euros par an. » Elle annonce aussi que « dans la prochaine DSP d’Aquavesc, il y aura un tarif unique ».

L’élue pointe aussi la « politique de la chaise vide » de certaines Villes opposées à la DSP lors des votes en séances des syndicats de gestion de l’eau. Elle ne souhaite pas non plus opposer les différents modes de gestion et ne ferme d’ailleurs pas la porte, un jour, à un passage en régie publique. La DSP sera au moins en place jusqu’en 2038 pour la distribution, mais sur la partie assainissement, elle est valable jusqu’en mars 2029. « Nous aurons, sur les prochaines années, à travailler de manière complètement participative et ouverte. Si la meilleure solution c’est la régie, pourquoi pas ? Il n’y a pas de position dogmatique, assure Eva Roussel. Après, il faut regarder quelles sont les infrastructures, comment on peut répondre ».

Mais elle prévient : « La bonne solution du voisin n’est peut-être pas la meilleure pour nous ». « On est aussi bien allés à Nice, que à Rouen, à Dijon … On a vu à peu près tous les modèles, de la Semop, à la régie, à la DSP, avec chacun des avantages et des inconvénients, indique-t-elle. Je n’opposerai pas ces formules, elles peuvent chacune être tout à fait intéressantes en fonction de la situation dans laquelle on se trouve, de notre propre caractéristique, et de notre territoire. Passer en DSP quand on n’y est pas, ou l’inverse, passer en régie quand on n’y est pas, quoi qu’il arrive, quelle que soit la solution retenue, on a des investissements massifs à réaliser. »

À l’issue de l’intervention d’Eva Roussel, Jean-Michel Fourgous a repris la parole, arguant qu’ « il faut de très gros moyens en R&D pour suivre l’évolution et avoir les meilleures technologies pour la qualité de l’eau ». Et de dénoncer l’intitulé du vœu de l’opposition : « Tout le monde est pour une gestion équitable […]. On ne peut pas voter en conseil, comme ça, un vœu avec des mots très affectifs et militants. » D’autres membres de la majorité lui ont emboîté le pas. « Dans la façon de voter, je vais voter pour ou contre une gestion équitable et vertueuse. Je ne veux pas me faire avoir comme ça », a taclé Lorrain Merckaert, maire DVD de Montigny. « On est à l’approche des municipales, il y a une instrumentalisation de ce sujet par nos oppositions », a abondé Nicolas Dainville (LR), maire de La Verrière. D’autres élus se sont plaints de ne pas avoir été informés de l’ajout de ce vœu à l’ordre du jour, coupant court à toute possibilité de vote à ce sujet.

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