Le conseil départemental des Yvelines a, au début de sa séance du 20 décembre dernier, la dernière de l’année 2024, abordé la fâcheuse question de ses finances. La 1re délibération portait en effet sur les modalités d’ouverture avant le vote des crédits 2025. Pour rappel, le Département a été confronté en 2024 à une baisse record de ses recettes, en raison notamment de la chute des Droits de mutation à titre onéreux (DMTO, les frais de notaire), dans un contexte de crise immobilière, ce qui avait conduit le président de la collectivité, Pierre Bédier, à adresser une lettre aux communes pour leur demander de voter une motion sur les finances départementales. Et 2025 devrait de nouveau voir le Département devoir faire face à des finances très contraintes et donc adapter ses politiques en conséquence.

C’est ce qui ressort de l’exposé de Pierre Fond (LR), 1er vice-président du Département, en charge de l’intercommunalité, l’Europe et la Métropole du Grand Paris, et président de la commission des finances du Département, lors de l’assemblée départementale du 20 décembre. Dressant un tableau globalement sombre des finances du conseil départemental, celui qui est également maire de Sartrouville a néanmoins laissé apparaître, tout en restant prudent, quelques très minces motifs d’espoir pour un retour à des jours meilleurs.

Les DMTO sont passées « de 450 millions d’euros en 2022 à 250 millions d’euros en 2024 »

«  Sur les DMTO, […] on a un léger regain de +7 % par rapport à la même période l’an dernier.» Mais cela serait « uniquement lié à ce qu’on appelle les accidents de la vie (divorces, mariages, décès …) », ajoute-t-il toutefois, rappelant aussi que les DMTO se sont dans l’ensemble effondrés en 2 ans, passant « de 450 millions d’euros en 2022 à 250 millions d’euros en 2024. »

L’élu a poursuivi en abordant la question des emprunts de la collectivité yvelinoise : « On a réussi à moins emprunter que ce qui était prévu. On a mobilisé 230 millions d’euros alors qu’on avait prévu 267 millions d’euros. Donc on a moins mobilisé que ce qui était prévu, c’est plutôt quelque chose de positif. Ça signifie quand même qu’on a augmenté considérablement l’encours de la dette. Aujourd’hui, on a un encours de la dette de 845 millions d’euros, ce qui nous a fait une capacité de désendettement de 8,4 ans. La norme que l’État affiche normalement, c’est 10 ans. »

Et le 1er vice-président de saluer aussi la « forte réactivité du Département » sur le plan de la gestion économique : « Le conseil départemental a réalisé, en gestion, des économies substantielles. […] Ça signifie des économies partout, y compris sur la masse salariale […]. Ça signifie une révision des engagements du Département qu’il faut assumer. Il faut assumer les choses et montrer que nous sommes en responsabilité, que nous sommes capables de prendre des décisions. Ce sont toujours des décisions délicates. » Il évoque ainsi en conséquence notamment la nécessité de différer des réalisations, « mais il faut être courageux, il faut assumer cette réduction de dépenses ».

Et les résultats se feraient déjà sentir. Le chiffre des dépenses serait, « sur l’année 2023, probablement 40 millions inférieur à ce qu’on avait prévu dans le budget proposé, donc plutôt positif même très positif », selon Pierre Fond. Et si on se compare avec les autres Départements, nous restons, avec le maintien de l’épargne brute, environ à 100 millions d’euros, alors que tous les autres Départements d’Île-de-France sont à 65 millions voire en-dessous. »

Mais il va falloir poursuivre voire amplifier cette politique d’austérité en 2025, et faire des choix dans l’accompagnement de certains projets. « On maintient le financement de grands projets de mobilité, mentionne par exemple Pierre Fond. C’est essentiel qu’on garde cette priorité. Pareil en matière de politique sociale. Même s’il faut réviser des éléments de politique sociale, l’effort vis-à-vis de nos concitoyens les plus modestes doit être maintenu. »

Concernant les grands projets de mobilité, « il y a des efforts qu’il faut faire en particulier, nous allons essayer d’engager dès 2025 des crédits pour la ligne 18 Nord (la ligne 18 du Grand Paris Express doit relier l’aéroport d’Orly à Versailles-Chantiers, mais le Département avait demandé et obtenu le lancement d’études pour son prolongement entre Versailles et Nanterre, Ndlr). Elle est vitale pour le département des Yvelines, a affirmé Pierre Bédier lors du conseil du 20 décembre. Si le département des Yvelines n’est pas dans le bouclage du Grand Paris Express, il sera marginalisé. Vous allez me dire ‘‘Chez moi, il faudrait subventionner une école, un gymnase, refaire une route …’’ Ça sera moins prioritaire que cette ligne 18 que nous ne verrons pas ». Le président du conseil départemental évoque ainsi une échéance « dans 20 ou 25 ans » pour ce prolongement Nord. « Mais nous le devons aux Yvelinois », insiste-t-il.

Autre type de « dépenses obligatoires » : les actions en faveur des mineurs non accompagnés, mais « il faudra que l’État nous accompagne », ajoute-t-il toutefois. Pour beaucoup d’autres investissements, il faudra faire des choix difficiles. Pierre Bédier fait état d’une « situation financière très compliquée et dont j’ai le sentiment qu’elle est comprise par la quasi-totalité de nos partenaires, en particulier les maires ». « Ça ne veut pas dire pour autant que l’ayant compris, ils sont passés à l’application, continue-t-il. J’ai reçu un maire hier qui me demandait d’en faire plus, tout en expliquant qu’il avait compris nos difficultés. Pour celles et ceux qui sont maires, et pour celles et ceux qui ne le sont pas, dites bien à vos maires que je ne crois pas un seul instant à la reconduction à l’identique de tous les crédits d’intervention de l’État. »

Il cite notamment le Fonds vert. « Nous sommes toujours sur un déficit public, rappelle-t-il. C’est très agaçant d’entendre ça car, quand on parle de 6 % du PIB, on s’en fout du pourcentage rapporté au PIB, c’est une astuce liée au traité de Maastricht, la réalité est que l’État dépense 30 % de plus que ses recettes. C’est vous dire le chemin qu’il va falloir parcourir pour arriver ne serait-ce qu’à diviser ça par 2, il faut supprimer 15 % des dépenses, donc les Fonds verts, les choses comme ça, n’y croyez pas trop. Je pense que l’année 2025 va être consacrée à achever les chantiers que les communes ont commencés, mais on ne peut pas imaginer autre chose que de faire des études, pour le jour où il y aura retour à bonne fortune. »

Et de prévenir : « Vous allez connaître un retour de la grande pauvreté. Il faut qu’on soit bien conscients de ces difficultés-là. […] Vous avez longtemps entendu parler du mur de la dette (situation provoquée par les crises successives, ayant aggravé les déficits et surendettements, Ndlr) dont on disait qu’il se rapprochait mais on ne le voyait jamais, maintenant il est tellement gros qu’on est dedans, en réalité. »

« La fête est finie »

« Donc nous devons nous, poursuivre cette politique, en partenariat avec nos collectivités, qui ont bien compris que le temps des économies est venu. Ça veut dire des économies absolument sur tout , résume Pierre Bédier. Si j’étais trivial, je dirais ‘‘La fête est finie’’. En ce qui nous concerne, […] ce plan d’économies nous met en meilleure position que les autres conseils départementaux. […] Nous étions déjà le Département le moins dépensier (Les Yvelines est le Département le moins dépensier de France en dépenses de fonctionnement par habitant, selon une publication du 2 janvier sur le site internet du conseil départemental). On continue l’idée que la frugalité va s’installer durablement dans tous les secteurs. »

« Il y a des dépenses prioritaires qu’il nous faudra maintenir quoi qu’il arrive, précise-t-il toutefois. [Pour le reste], tout ce qui n’est pas dépenses obligatoires, par définition, est menacé. » Le Département avait ainsi par exemple déjà annoncé, début décembre dernier, l’annulation de ses vœux communs avec les Hauts-de-Seine. Soit une économie de 250 000 euros, rapportent nos confrères du Parisien, qui évoquaient déjà, dans un précédent article, la suspension de son plan vélo voté en 2022, et qui prévoyait 230 km d’itinéraires cyclables supplémentaires dans les Yvelines. Un projet à 62 millions d’euros.

Concernant les politiques vis-à vis des 115 collèges yvelinois, des conséquences sont aussi à prévoir. Le Département avait annoncé il y a plusieurs mois déjà le report ou la suspension de certains projets de construction ou reconstruction d’établissements. Toujours en lien avec les collèges, le Département a baissé ses subventions pour l’aide au transport des élèves depuis le début de l’année scolaire 2024-2025.

Lors d’un Facebook live en septembre Sonia Brau (UDI), conseillère départementale du canton de Saint-Cyr-L’École (ville dont elle est maire), indiquait que maintenant que « les finances du Département ont fondu comme neige au soleil », il a fallu revoir cela. Mais elle a assuré que l’ « on reste quand même présents en maintenant l’aide aux collégiens et aux lycées (pourtant du ressort de la Région), pour les boursiers entre 62 et 120 euros, pour les collégiens habitant sur les zones rurales où on sait que c’est plus compliqué ».

Autre engagement du Département revu, Prior Yvelines, accompagnement de Villes dans des programmes de rénovation urbaine. Le conseil départemental a ainsi, lors de sa dernière séance de 2024, voté des avenants aux conventions Prior dans 11 communes (Mantes-la-Jolie, Limay, Les Mureaux, Chanteloup-les-Vignes, Vernouillet, Poissy, Plaisir, La Verrière, Elancourt, Sartrouville et Saint-Cyr-l’École), annulant une partie des 255 millions d’euros alloués dans le cadre de ce programme.