L’État français doit réaliser des économies drastiques pour réduire sa dette publique. Il a ainsi demandé aux collectivités locales, via le projet de loi de finances 2025, (discuté au Sénat depuis le 25 novembre), de réaliser 5 milliards d’euros d’économie sur le budget de l’année prochaine. Face à cette colère grandissante d’élus s’estimant déjà asphyxiés depuis plusieurs années par différentes mesures de l’État (baisse de la dotation globale de fonctionnement, suppression de la taxe d’habitation …) s’ajoutant à des contextes de crises, le Sénat a proposé de réduite l’effort demandé aux collectivités de 5 à 2 milliards d’euros. Malgré cette annonce, les élus estiment que l’effort demandé reste trop important.
De 2 à 5 milliards demandés
Nombre d’entre eux ont pu exprimer leur mécontentement à l’occasion du 106e congrès des maires et des présidents d’intercommunalités de France, qui s’est tenu du 19 au 21 novembre, à Paris. Car l’effort pour redresser les comptes publics est injustement perçu de la part des collectivités locales accusées à plusieurs reprises par Emmanuel Macron de mauvaise gestion financière alors que, contrairement à l’État, il leur est interdit de voter un budget déficitaire.
Face à cette situation devenue intenable pour tous, les maires de SQY se sont récemment exprimés sur ce sujet, en dénonçant cette situation et ce, quelque soit leur bord politique. C’est le cas notamment de Jean-Michel Fourgous, maire LR d’Élancourt et président de SQY, qui a déclaré dans le magazine municipal de novembre : « La France fait face à une crise économique sans précédent, marquée par une dette publique record qui s’élève désormais à des niveaux insoutenables. Malheureusement, l’État, au lieu d’agir de manière efficace, semble dans l’incapacité de trouver de nouvelles solutions pour redresser ses finances sans alourdir la fiscalité des classes moyennes et des entreprises, qui sont pourtant les moteurs de notre économie ».
Et d’ajouter : « Face à cet échec de l’État, les collectivités locales, pourtant exemplaires dans leur gestion […] font d’importants efforts, depuis des années, pour participer au redressement des comptes publics et se substituent même parfois à l’État dans des missions qu’il délaisse ».
Le maire Génération.s de Trappes, Ali Rabeh, avait lui carrément adressé une lettre à Michel Barnier en octobre suite à son discours de politique générale. Il évoquait notamment un « coup de rabot qui pourrait être celui de trop » et risquant de se faire au détriment de nombreux services .
Son de cloche similaire chez François Morton, maire DVG de Guyancourt, qui a tenu des propos sur Facebook en marge du congrès des maires de France. « Je partage pleinement les inquiétudes de tous les maires de France et leur volonté de rappeler que les Villes demeurent les points de stabilité de nos concitoyens. Les communes sont plus que jamais le bouclier social des Français. Attention à ne pas fragiliser ce rempart en exigeant des collectivités une contribution démesurée […]. Depuis des années, les Villes doivent faire face plus et mieux avec moins de moyens ! Nous innovons, rationalisons, adaptons nos politiques locales aux besoins des habitants. Il serait temps que l’État leur fasse enfin confiance », a dénoncé l’élu.
Nicolas Dainville, maire LR de La Verrière a, quant à lui, mentionné un triste anniversaire, les 50 ans du déficit budgétaire de la France : « Pas une famille, pas une commune, pas une association, pas une entreprise ne pourrait se permettre ce que l’État fait depuis un demi-siècle ». Il évoque ensuite les conséquences pour sa commune : « Notre poste de conseillère santé vient ainsi d’être supprimé. Les postes de conseillers numériques sont menacés. Et les fonds de soutien de l’État pour la sécurité ou la transition écologique sont fortement compromis. »
Philippe Guiguen, maire DVD des Clayes, était déjà à l’initiative d’une pétition en 2023, dénonçant le désengagement de l’État sur les finances des collectivités. Dans le dernier magazine municipal, il demande « une révision en profondeur des critères de répartition des dotations de fonctionnement et des fonds de péréquation afin de les rendre plus justes et équitables ». Le maire souhaite également « la mise en place d’un dialogue constructif entre le gouvernement, les associations d’élus locaux, et les collectivités locales pour discuter des besoins et des préoccupations spécifiques de chaque territoire ».
Quant au maire de Magny, Bertrand Houillon (Génération.s), il a jugé dans le Magny mag de novembre « indispensable de rappeler de respecter les élus en fonction car les communes sont, plus que jamais, un pôle de stabilité et un repère pour les Français ». Il évoque la bonne gestion financière de sa commune, avec entre autres une dette « parmi les plus basses : 258 euros par habitant, soit 28 euros à rembourser chaque année par habitant, bien en deçà de nos voisins » et fait un point sur la baisse drastique des aides accordées par l’État aux collectivités : « Pour une commune comme Magny, c’est plus d’1,4 million d’euros retirés en 10 ans dans la dotation qui devait compenser le transfert des services publics vers la collectivité. »
À Montigny, le maire DVD Lorrain Merckaert utilise, dans l’édito du journal municipal de novembre, un comparatif entre le budget communal et « votre budget familial ». « Vous avez d’un côté les recettes (pour une famille : salaires, aides éventuelles…) et de l’autre les dépenses qui se partagent entre le fonctionnement (courses, charges, dépenses variées) et l’investissement (achat logement, voitures, gros travaux…). La règle fondamentale étant que vous ne pouvez pas dépenser plus que ce que vous gagnez, précise l’édile. Le budget d’une ville c’est la même chose. Nous ne pouvons pas comme l’État, emprunter pour payer du fonctionnement », poursuit l’édile.
Et de continuer : « À présent imaginez la situation suivante : vous avez bâti votre budget pour l’année à venir, vous savez combien vous pouvez dépenser par mois pour chaque poste de dépense, et combien vous pouvez rembourser pour vos crédits. Et tout à coup, vous entendez à la radio, une communication de l’État sur le fait que les ménages dépensent trop et […] qu’il va falloir prendre des mesures drastiques pour corriger cela.
« Les jours suivants, il vous est annoncé que vos salaires vont diminuer de 15%, que vous n’avez plus droit à telle aide de la CAF, que la subvention pour l’achat d’un véhicule électrique est diminuée de moitié par rapport à ce qu’on vous avait annoncé, que vous avez l’obligation de faire des travaux lourds d’isolation sur votre logement avant une certaine date butoir et que, comme vous êtes, malgré tout cela, en capacité de subvenir encore à vos besoins, on va vous prélever une partie de ce que vous gagnez pour l’attribuer à d’autres familles plus en difficulté », ajoute-t-il, faisant part de sa colère contre l’État, « qui vient vider nos poches, c’est-à-dire les vôtres, sans concertation aucune ».
Le coup de gueule est également fort de la part de sa collègue de Voisins, Alexandra Rosetti (UDI). « Les collectivités territoriales, boucs émissaires des difficultés financières de l’État ? », s’interroge l’élue dans le magazine municipal de novembre, jugeant « insupportable » la « mise en accusation des collectivités ». « Faire vivre une collectivité […] est un sujet passionnant tant il est riche en actions à mettre en œuvre pour que les habitants trouvent dans leur environnement immédiat les services de proximité dont ils ont besoin, un cadre de vie apaisant et des possibilités d’épanouissement personnel et familial. Au fil du temps, la charge de travail des collectivités n’a cessé de croître et les lois et normes en tout genre ont complexifié ce travail. Les élus et leurs services ont dû développer des compétences dans de multiples domaines et il n’est pas toujours simple de conjuguer toutes les exigences. »
« Non, le déficit de l’État ne découle pas des collectivités locales »
Joséphine Kollmannsberger, maire LR de Plaisir, s’était elle entre autres exprimée sur le sujet le mois dernier à travers un communiqué. « Non le déficit de l’État ne découle pas des collectivités locales (pas plus de 5 à 8 % du global), qui sont pour leur immense majorité vertueuses, parce qu’en tout état de cause leurs budgets doivent être en équilibre », affirme-t-elle, rappelant notamment la baisse de la DGF et accusant l’État de « spoliation » et de « mauvaise foi ». « Au 31 décembre de cette année nous aurons ainsi perdu pas moins de 94 millions d’euros depuis 2011, soit l’équivalent de près de 2 années de budget de fonctionnement évaporé dans la nature… », précise l’édile. Elle n’oublie pas non plus d’évoquer la suppression de la taxe d’habitation qui « fut un vrai geste social… mais également un geste démagogique et suicidaire pour nos villes…»
Ces propos sur la fiscalité sont sensiblement les mêmes chez le maire DVD de Maurepas, Grégory Garestier. « L’injustice, c’est la suppression de la taxe d’habitation », a-t-il notamment déclaré lors d’un Facebook live le 20 novembre. Face à cela et de manière générale à une situation financière de plus en plus accablante pour les communes, le levier de la taxe foncière deviendrait plus que jamais inéluctable. « Cette année on a dû activer le levier fiscal de 3,3 points soit 9,57 %, en plus des bases fiscales qui sont revalorisées directement par l’État », concède-t-il, justifiant cela par 2 raisons : « La 1re , c’est qu’on s’est pris 500 000 euros de plus sur nos ressources humaines malgré nos efforts de gestion car l’État a décidé de revaloriser le point d’indice des fonctionnaires et d’autres mesures catégorielles pour les agents, et on a eu 500 000 euros de recettes en moins à cause de l’effondrement des ventes de biens immobiliers sur le territoire. »
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