Le 27 juillet dernier, le grand public découvrait ce mode de transport curieux et futuriste. La société Urbanloop lançait à l’Île de loisirs de SQY des capsules autonomes électriques sur rail (qu’Urbanloop a aussi lancées dans d’autres territoires en France, comme celui de la métropole du Grand Nancy, où elle possède un site d’essais et a un projet de mise en service à plus grande échelle d’ici 2027), le même jour que l’ouverture sur le même site d’une fan zone consacrée à la retransmission des JO de Paris 2024. Une période olympique qui aura boosté l’attractivité de ces capsules (exploitées par Keolis), qui ont attiré l’attention des visiteurs de la fan zone.
« La plus belle période de fréquentation » durant les JO, une ouverture réduite depuis
« On a vécu, au moment des JO, la plus belle période de fréquentation, nous confiait le 11 décembre Jean-Baptiste Hamonic (MoDem), vice-président de SQY aux transports et aux mobilités durables, également maire de Villepreux. On fait même un pic à plus de 1 000 passagers la journée le jour où on reçoit le trio médaillé du BMX à la fan zone (Joris Daudet, Sylvain André et Romain Mahieu, les trois Français respectivement médaillés d’or, d’argent et de bronze de l’épreuve olympique de BMX racing le 2 août dernier, ont été reçus à la fan zone de SQY 2 jours plus tard, Ndlr). Sinon, depuis le début de l’exploitation (données de fin novembre, Ndlr), on est à 11 500 passagers, ce qui représente 20 000 km parcourus depuis la mise en service. »
Selon lui, « le cœur de l’expérimentation était vraiment pendant les Jeux olympiques et paralympiques (et même surtout durant les Jeux olympiques car lors des paralympiques, la fan zone n’était plus ouverte, Ndlr) ». « On est vraiment satisfaits en termes de fréquentation, c’était vraiment dans ce qu’on attendait en termes de résultats, poursuit-il. Après, ce qui est intéressant aussi, c’est de voir que la technologie a bien fonctionné, et parmi les petits sondages utilisateurs faits par Urbanloop, ce qui ressort, c’est vraiment la sensation de confort et la rapidité. »
Et de fait, ces petites capsules de 2 personnes chacune, au nombre de 9 à l’île de loisirs (plus une capsule servant de modèle d’exposition), et que La Gazette avait pu tester lors de l’ouverture au grand public (lire notre édition du 3 septembre 2024), peuvent circuler jusqu’à une vitesse de 50 km/h. Du côté d’Urbanloop, on se montre aussi très satisfait de cette expérimentation en cours, devant durer 17 mois. « Le bilan est très positif, affirmait le 13 décembre dernier sa directrice générale, Noémie Bercoff, également jointe par La Gazette. On n’a pas de dégradations, on a un temps de disponibilité, qui est la manière dont on mesure la maturité du système, en forte évolution […]. Ça fonctionne. On est ouverts. Maintenant, on touche un public plus familial. Mais c’est super, on est ravis. »
Si le bilan semble très satisfaisant pour les différentes parties prenantes, depuis la fin des JO et encore plus ensuite avec l’arrivée de l’automne puis de l’hiver, l’ouverture du dispositif a été réduite. Sur le site internet de SQY, il est précisé que depuis le 4 novembre, les capsules ne sont plus accessibles que de 10 h à 16 h 30, et uniquement le week-end.
« Avant, c’était toute la journée et ça commençait à 9 h, jusqu’à 20 h, fait savoir Jean-Baptiste Hamonic. À partir du moment où en semaine, les gens travaillent et qu’il n’y a plus de produit d’appel comme pouvait l’être la fan zone, que après on arrive en plus sur la saison automne-hiver, moins propice à fréquenter l’Île de loisirs, on savait que sur cette période, ça ne servait pas à grand-chose d’ouvrir le service autre que le week-end. » Il constate que « jusqu’à octobre, on avait une centaine de voyageurs par jour ; les dernières données sont un peu en baisse mais c’est normal, vu la météo et l’hiver, il y a moins de fréquentation aujourd’hui. »
Noémie Bercoff confirme également le fait que les JO ont constitué le point culminant de la fréquentation, avec 6 500 personnes transportées dans ces capsules durant l’événement. « La fan zone a accueilli autour de 50 000-60 000 personnes sur les 10 jours [d’ouverture du site], et nous on a touché plus de 10% des gens qui sont venus [à la fan zone] », précise la directrice générale d’Urbanloop. Elle souligne toutefois que même par la suite, le dispositif a continué à être très prisé, notamment des professionnels.
« On reçoit une délégation par semaine, avance-t-elle. Dans ce cas, on fait des ouvertures spécifiques pour nos clients. [On a aussi] des partenaires de SQY qui viennent pour le tester – des entreprises, des collectivités- et tout le monde est réellement très enthousiaste. » Elle mentionne par exemple, la 2e semaine de décembre, la présence d’une délégation du Japon ou encore de la métropole du Grand Nancy sur le site, ainsi que, la semaine d’avant, de 2 collectivités. Elle annonçait aussi (en date du 13 décembre) 3 visites de calées en janvier.
Pour autant, du côté de l’Agglomération, si on juge positive et intéressante l’expérimentation, on n’exclut pas de l’arrêter avant le terme des 17 mois. « On va faire un point d’étape avec Keolis et Urbanloop, pour voir si on continue sur ces horaires et ces plages d’ouverture réduites, c’est-à-dire le week-end, pour aller au bout des 17 mois, ou si à un moment donné, on se donne la possibilité de se dire que l’intérêt de l’expérimentation est arrivé à son terme, et dans ce cas, on arrête l’expérimentation, glisse ainsi Jean-Baptiste Hamonic. Mais il y a quand même de fortes chances qu’on continue un petit moment, mais avec des horaires adaptés à la réalité de la fréquentation de l’Île de loisirs. »
Difficulté à « franchir les coupures urbaines » et autres priorités en matière de mobilités
Quant aux résultats de l’expérimentation, même si ceux-ci s’avéraient concluants, cela pourrait bien ne pas être suffisant pour inciter l’Agglomération à déployer plus largement le dispositif sur des lieux phares de son territoire. « On ne s’interdisait rien à l’époque où on a lancé l’expérimentation. Aujourd’hui, je ne vous cache pas qu’il y a 2 sujets », concède le vice-président aux transports et aux mobilités durables.
Le 1er est lié au mode de transport en lui-même. Les capsules Urbanloop circulent actuellement à l’Île de loisirs, un site fermé. « La difficulté, ça serait pour franchir des coupures urbaines, s’inquiète Jean-Baptiste Hamonic. À partir du moment où vous avez des axes routiers qui sont traversants, des ouvrages à franchir, éventuellement même des pistes cyclables, des carrefours, ce n’est pas la bonne technologie. On a regardé sur des secteurs de l’agglomération si ça pouvait faire sens, puisque l’idée, c’est via des stations, de connecter des sites d’intérêt pour les Saint-Quentinois. Il y a eu des propositions de faites, mais rien d’assez structurant pour se dire ‘’Urbanloop a nécessairement sa place sur le territoire’’. D’ailleurs, on l’avait dit d’entrée de jeu, que cette expérimentation, on la mène car on croit beaucoup en sa technologie, en plus une technologie française, mais qu’elle sera adoptée sur des territoires qui ne seront peut-être pas celui de SQY à terme. »
Sur ce point, Noémie Bercoff se veut rassurante. « Nous, on n’a pas de soucis. À Nancy, il y a plusieurs traversées, et sur nos autres projets aussi, donc on saurait utiliser le démonstrateur pour en faire un projet derrière, assure la directrice générale d’Urbanloop. On a 7 études en cours sur des territoires divers et variés. Évidemment, chaque projet est tout à fait différent. [Par exemple], s’il faut traverser une autoroute, il n’y a pas de secret, il faut faire un pont. Mais il y a toujours des solutions d’insertion. Sur des territoires comme celui de SQY, on n’est pas dans de l’urbain hyper dangereux. Au centre de Paris, c’est certain que c’est compliqué, mais sur des zones périurbaines pour relier la gare de SQY, le campus de l’Estaca, le Vélodrome et toutes ces zones-là, on est faits pour, on a toute pertinence. Ensuite, en effet, il faut bien étudier chaque carrefour pour regarder comment on s’organise. »
Le 2e frein avancé par Jean-Baptiste Hamonic est lui davantage à la réalité économique actuelle pour les collectivités. Pour rappel, les capsules Urbanloop sont financées à 50 % par l’État via l’Ademe (Agence de la transition écologique), l’autre moitié l’étant par SQY (à hauteur de 700 000 euros), Urbanloop et Keolis. Le coût global s’élève à environ 5 millions d’euros.
« L’impact à la fin de l’inflation mais aussi les différentes mesures sur le budget de SQY font qu’on va devoir se serrer le ceinture et que l’année 2025 va être extrêmement compliquée, évoque l’élu. Je pense que tous les vice-présidents doivent être responsables et raisonnables, et moi le 1er sur le budget transports et mobilités, je ne proposerai pas qu’on porte de nouvelles expérimentations sur des technologies du futur en matière de mobilités en 2025. Je ne proposerai pas non plus qu’on soit dans un déploiement de nouveaux dispositifs de transport comme peut l’être Urbanloop. […] Je ne vois pas, en 2025, la latitude qui nous permettrait d’avancer budgétairement sur ces enjeux-là. Ma priorité en 2025, ça va vraiment être le réseau de bus, le nouveau marché de trottinettes qui va aussi proposer du vélo à assistance électrique et de pouvoir continuer le schéma directeur cyclable, et retravailler sur les gares. »
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