Des décisions « casse-gueule ». Les mots crus utilisés par Joséphine Kollmannsberger illustrent la difficile décision prise par la maire LR de Plaisir, mais aussi le climat de tension qui régnait lors du dernier conseil municipal, le 1er février, où a été approuvée la fermeture définitive de l’école Gérard Philipe, mais aussi la modification de la carte scolaire. Cette dernière va conduire à la création de groupes scolaires, entraînant la disparition de cinq actuelles écoles de la commune. Outre Gérard Philipe donc, qui n’accueillera plus d’élèves à partir de la rentrée de septembre prochain, les écoles maternelles Alphonse Daudet, Marc Laurent, Le Petit Bontemps et Louise Michel vont progressivement fermer d’ici 2026.
Première concernée donc, Gérard Philipe, école de 148 élèves et datant du début des années 1990, et située à côté du centre commercial Mon Grand Plaisir. Ces dernières années, les problèmes se sont accentués, notamment au niveau de la toiture. Fuites en cas de pluie, moisissures au plafond ou encore spots lumineux imbibés d’eau, avaient été rapportés par des représentants de parents de cette école de six classes, à la fois de maternelle et d’élémentaire (lire notre édition du 21 juin dernier).
Les parents s’étaient alors battus pour demander à la mairie d’intervenir et de faire des travaux, tout en suspectant une volonté de la municipalité de fermer l’établissement. Face aux parents et face à la presse en juin dernier, la maire avait tenu à rassurer, annonçant le lancement d’une étude sur la structure globale du bâtiment, et déclarant : « Les parents me disent : ‘‘Est-ce que vous allez faire une étude mais ensuite ne pas faire les travaux, pour ne pas dépenser de l’argent dans cette école ?’’ J’ai été ferme, claire et précise, j’ai dit :‘‘Il n’en est pas question, c’est un équipement de la ville que je souhaite garder, donc on le garde, il n’est pas question d’imaginer une seule seconde que nous n’investirons pas d’argent là-dedans, on refera cet équipement, ce bâtiment, et on discutera sur tout ça’’. »
Si l’école devait se préparer à une fermeture, c’était donc semble-t-il temporaire, en attendant que les travaux soient effectués, mais pas définitif. Certains parents s’étaient visiblement montrés méfiants à la suite de ces propos. « Elle a dit qu’elle voulait garder la structure, le bâtiment ou l’équipement, elle n’a jamais parlé d’école. On est ravis des décisions qu’ils ont prises et des actions qu’ils vont entreprendre, mais on reste sur la réserve », nous confiait une représentante de parents d’élèves à l’époque. Réserve confirmée depuis donc. L’école ferma bien définitivement, et ce dès 2023.
Nous ne sommes pas parvenus à entrer en contact avec des parents d’élèves après le dernier conseil municipal. « Il fallait 1,5 million d’euros pour remettre en état cette école qui n’aurait pas été optimale, a justifié Joséphine Kollmannsberger auprès de nos confrères de 78actu. Je préfère mettre 1,5 million dans les écoles existantes. » « Suite au diagnostic technique réalisé, il s’avère que le coût exorbitant des travaux dépasse l’enveloppe prévisionnelle allouée. De plus, sur ces cinq dernières années, une baisse des effectifs de 17 % a pu être constatée. Aujourd’hui, le taux d’occupation moyen de l’école est de 60 %, a abondé Sylvie Kane, adjointe à l’éducation, lors de la séance du 1er février. Compte tenu de l’impérieuse nécessité de mettre en œuvre un plan de sobriété pour répondre aux enjeux climatiques et financiers, un regroupement scolaire devient nécessaire. »
« Ainsi, les enfants de l’école Gérard Philipe seront accueillis dans les établissements scolaires maternelle et élémentaire Jacques Prévert », a également fait savoir l’adjointe. Selon elle, ce regroupement « aura pour conséquence d’accroître le taux d’occupation de l’école Jacques Prévert à 82 % ».
Ce revirement concernant le sort de l’école Gérard Philipe, l’opposition n’a pas manqué de l’évoquer lors du conseil municipal, notamment Sandrine Carneiro (SE), du groupe Plaisir notre ville, qui n’a pas mâché ses mots : « Je tenais à vous remercier, Madame le maire, pour la jolie petite histoire que vous nous avez racontée ces derniers mois. […] Nous découvrons l’épilogue d’une histoire cousue de fil blanc […]. Nous apprenons que, malgré tous vos efforts, malgré votre volonté farouche de garder cette école de proximité, vous n’avez d’autre choix que de fermer Gérard Philipe […]. Mais quelle surprise ! De mauvais esprits pourraient penser que vous avez mené ce projet en catimini et que vous l’imposez aujourd’hui à vos administrés au mépris de tout dialogue démocratique. »
Et l’élue de poursuivre en rappelant la chronologie des événements puis en estimant que l’absence d’entretien de la part de la municipalité masquait « une volonté de fermer l’école depuis de nombreuses années ». « [Fin janvier], à la lecture de cette délibération, nous découvrons que le diagnostic technique aurait enfin été réalisé, révélant un coût exorbitant des travaux. […] La fermeture est actée sans autre argument à prévoir que les travaux qui excéderaient le montant prévisionnel initial. De quels travaux parle-t-on ? Quelle était l’enveloppe prévue ? On n’en n’a jamais parlé au sein de ce conseil municipal. Une fois de plus, nous sommes face à une décision unilatérale de votre part, prise dans la plus grande opacité, et j’en viens même à douter de la réalisation effective de ces études. »
Sandrine Carneiro a conclu sa prise de parole en réclamant, « au vu des inquiétudes exprimées ces derniers jours par les enseignants et les parents d’élèves, […] de bien vouloir écouter les Plaisirois, suspendre votre projet de refonte de carte scolaire, et d’instaurer un véritable dialogue avec les représentants de parents d’élèves, les enseignants, et l’inspection d’académie, afin de travailler ensemble sur un nouveau projet de carte scolaire ». Elle a annoncé que son groupe voterait contre la fermeture de l’école Gérard Philipe, « car selon nous, l’avenir d’une école ne peut se décider que sur les seuls critères financiers, et tous les acteurs doivent être mis autour de la table ».
« On se bat pour que les classes restent ouvertes car il y a de moins en moins d’élèves »
« Nous travaillons avec l’Éducation nationale, ensemble. Il y a eu des décisions prises pour le respect des enseignants, des directeurs, a répondu Joséphine Kollmannsberger. Je n’accepte pas que vous fassiez toute cette polémique sur la non-concertation, sur le fait que nous avons caché. C’est faux. Nous avons eu des réunions, des concertations avec l’école. […] Un projet comme celui-là ne portera absolument aucun préjudice ni aux directeurs d’école, ni aux enseignants, ni aux enfants, ni aux parents d’élèves, bien au contraire. Vous aurez des choses positives qui vont se passer. » De son côté, Annie-Joëlle Priou-Hasni (DVG), du groupe d’opposition Tout à faire pour Plaisir, a notamment déploré « des fermetures d’écoles et des services scolaires qui vont disparaître », et réclamé un retrait de la délibération à ce sujet. « On ne la retirera pas », a répliqué la maire.
L’édile a aussi voulu se montrer rassurante quant à l’accueil des enfants de Gérard Philipe à l’école Prévert à partir de l’année prochaine : « À Prévert, on est dans une logique de classes à 24, il y a vraiment la place pour tout le monde, et cette école est vraiment faite pour ça. Avec la Dasen (Directrice académique des services de l’éducation nationale), les directeurs d’école vont être reçus, et il y a une réunion prévue avec les parents d’élèves. » La délibération a été approuvée par 29 voix pour et 10 contre. Au-delà du cas de l’école Gérard Philipe, elle prévoit donc une refonte de la carte scolaire, qui conduira à la création d’ici à 2026 de neuf groupes scolaires, où seront déplacés les élèves des écoles concernées par la fermeture.
« On se bat pour que les classes restent ouvertes, car il y a de moins en moins d’élèves, affirme la maire, mentionnant une baisse de 80 enfants par an dans les écoles plaisiroises. L’Éducation nationale considère que le regroupement d’une élémentaire et d’une maternelle est beaucoup plus propice à une énergie et une pédagogie améliorées […]. Ces petites écoles dépendent d’une organisation des années 80, où on construisait un quartier avec une école élémentaire et une maternelle. Aujourd’hui, c’est presque en dépit du bon sens. […] On a réfléchi à des accueils optimum, le nombre de classes dans les groupes scolaires laisse les classes à 24 enfants. […] Les écoles sont à proximité de 300 m à tout casser. En plus, ça permet un rapprochement des fratries. »
Autre conséquence de ces regroupements scolaires, la suppression de postes de directeurs d’école. Contactée, Claire Perrot, directrice de l’école maternelle Louise Michèle, qui sera fusionnée en 2025 avec l’école Casanova, confie : « La problématique c’est qu’on est deux directrices [avec celle de l’école Casanova], et qu’il n’y en a qu’une qui va rester. […] C’est moi qui perds mon poste, alors que ça fait 18 ans que je suis ici. Je vais avoir un autre poste de directeur, mais ailleurs, car il n’y a pas de poste équivalent sur Plaisir. » La directrice évoque par ailleurs un nombre d’élèves qui « passera à 78 à la rentrée [prochaine], contre 72 cette année ». Elle s’agace aussi d’un projet qu’elle dit avoir appris « par Facebook » il y a trois ans, et pour lequel « on n’avait même pas été concertés ». « L’état d’esprit est très mauvais, ça a provoqué un grand émoi dans l’équipe », soupire-t-elle.
La maire, elle, a assuré au dernier conseil municipal, où des personnels scolaires étaient venus manifester leur colère, que la priorité était placée sur « la qualité de l’accueil des enfants ». « Je vous demande d’attendre les réunions qu’il va y avoir avec la Dasen, et vous verrez que les directeurs vont avoir une tranquillité », a-t-elle aussi affirmé.