Le tant attendu chantier de requalification de la RN 10 continue d’avancer. Pour rappel, ce projet, dans les tuyaux depuis plus de 20 ans, consiste à enfouir la RN 10 en 3 points à Trappes (au niveau de la mairie, entre la rue de Montfort et l’avenue Carnot, et entre la rue de la République et le cours de la Corderie), et à aménager 3 plateaux urbains permettant de raccorder différents quartiers de Trappes, ville coupée en deux par cette route où passent 70 000 à 80 000 véhicules par jour, et de réduire les nuisances sonores, visuelles et environnementales, ainsi que la dangerosité de la route.
Le chantier, véritablement commencé il y a 5 ans, a déjà connu plusieurs étapes importantes, comme la construction d’un mur de protection en meulière au niveau boulevard Martin Luther King, la destruction de l’emblématique pont Cachin près de la mairie, remplacé par un pont provisoire à l’été 2021, la création d’une passerelle piétonne au niveau de la mairie à l’été 2023 ou encore en septembre 2023 d’un grand rond-point au croisement entre la RN 10 et la RD 912 devant le Pavillon bleu, ainsi que la mise en place d’un mini-tunnel pour les véhicules venant de la RD 912 en direction de Paris.
Les véhicules circuleront à 6 m sous terre
Et le 3 octobre marquait un nouveau moment important avec la tenue d’un Comité de pilotage (copil) entre les différents financeurs (État, Région, Département, SQY, Ville) et le lancement d’une nouvelle étape de travaux. Le chantier connaît en effet actuellement une dépollution pyrotechnique.
« En 1944, le site a été très fortement bombardé pendant la Libération, expose Guillaume Bennet, responsable du département de modernisation du réseau Sud-Ouest à la Direction des routes d’Île-de-France (Dirif), le maître d’ouvrage du projet. 8 000 bombes sont tombées à Trappes lors de 3 jours de bombardements. L’enjeu du volet pyrotechnique, c’est d’arriver à sécuriser par forage […]. On va faire à peu près 8000 trous jusqu’à 9 m de profondeur pour détecter s’il y a des bombes.»
Des croix marquées au sol correspondent aux zones où des sondages doivent être réalisés. En espérant que la découverte d’explosifs, quasi certaine selon les équipes du chantier, ne retarde pas trop les travaux. « On a intégré un certain nombre de marges car étant donné l’ampleur du chantier, on pense qu’on va en trouver, quasiment avec certitude, glisse Guillaume Bennet. On espère ne pas en trouver trop. Après, l’enjeu, c’est, quand on trouve une bombe, de sécuriser un périmètre, et après, on espère que les services de déminage pourront intervenir rapidement. »
2 bombes ont d’ailleurs déjà été décelées. « On en a trouvé une lors du chantier du carrefour RD 912, qui n’avait pas explosé, donc qui a donné lieu à l’intervention des démineurs. Et on en a trouvé une 2e quand on a fait le chantier de voirie provisoire, une bombe déflagrée : l’explosif avait brûlé mais elle n’avait pas explosé, donc c’était une bombe entière mais sans risque d’explosion », détaille le responsable à la Dirif.
Autre enjeu du chantier : les réseaux. « On a plus d’une vingtaine de réseaux qui vont passer ici. On fait un chantier dit de parois moulées, c’est-à-dire qu’on va creuser ici la paroi moulée jusqu’à environ 12 m de profondeur […], creusée sur un rectangle d’à peu près 7 m de long. Avant de creuser, on a quand même sécurisé tous les réseaux existants », développe Guillaume Bennet.
Le creusement, pour réaliser les tranchées nécessaires à l’enfouissement de la RN 10, débutera en fin d’année. « Le gros des travaux, notamment la partie parois moulées, ça va commencer début novembre, indique Guillaume Bennet. Là, on finit de préparer les emprises pour la paroi moulée. […] On a creusé une rainure d’à peu près 1 m de large, car pour faire de la paroi moulée, on va creuser avec un engin, comme une grosse pelle, […] on va faire des petits murets en béton de part et d’autre et on reviendra creuser au milieu et faire des panneaux en avançant, de 6-7 m par 6-7 m environ. »
Le creusement commencera donc véritablement le mois prochain. Mais les habitants pourront réellement bien apercevoir, depuis le pont provisoire métallique à côté de la mairie, les pelleteuses creuser à partir du 2e trimestre 2026. « On doit avoir à peu près 3 mois pour les parois moulées. Après, il doit y avoir 4 ou 5 mois de terrassement, de création des dalles et les bétons qui permettent de soutenir l’ouvrage. Les derniers mois, ça sert à faire la route, les équipements, les tests avant la mise en service », précise le représentant du maître d’ouvrage.
Après les parois, seront construites les poutres et la chaussée. Ce qui permettra ainsi l’enfouissement de la route. « Le trafic va être à peu près à 6 m sous terre, fait savoir Guillaume Bennet. Les parois du tunnel vont aller jusqu’à environ 12 m de profondeur, sauf au niveau de l’ex-mairie, aujourd’hui hôtel de police, où on va aller à 20 m, car sous la RN 10, on aura un bassin pour récupérer les eaux qui vont ruisseler dans la tranchée centrale. »
La RN 10 nouvellement enfouie sera ouverte, d’abord le sens province vers Paris, normalement fin 2026, puis dans le sens Paris vers province fin 2027. Restera ensuite pour la Dirif à mettre en place les 3 dalles de couverture (plateaux urbains), jusqu’à la mi-2028. L’agglomération de SQY prendra ensuite le relais avec l’aménagement de ces dalles (végétalisation, mobilier urbain …), en collaboration avec la ville de Trappes.
« Les parcelles aux abords de la RN 10 sont très nombreuses. Ça permet d’aménager un nouveau centre-ville (lire notre dossier du 2 septembre, Ndlr), d’installer des commerces, des logements, des équipements publics, il y aura un gymnase neuf qui viendra ceinturer le futur plateau urbain, affirme le maire Génération.s de Trappes, Ali Rabeh. Tout cela va recréer un cœur de ville beaucoup plus dynamique, beaucoup plus dense, qui permettra de répondre aux besoins des Franciliens. »
« Cet enfouissement va permettre de recoudre la ville »
L’édile trappiste estime que « cet enfouissement va permettre de recoudre la ville, de la reconnecter ». « Le franchissement de la RN 10 s’effectue à travers un pont provisoire, métallique, qui a été installé par la Dirif, et le franchissement suivant est très loin, à l’entrée de la ville de Trappes, rappelle-t-il. Pouvoir demain disposer d’un plateau urbain […] que nous aménagerons et dont les abords seront aménagés et de 2 autres plateaux de franchissement, c’est une façon de façon de reconnecter le village, le centre-ville, et de recréer un lien dans une ville où les habitants se tournent le dos depuis des décennies en raison de cette cicatrice (la RN 10, Ndlr), qui vient couper la ville en 2 » .
Et bien sûr, ce projet va changer la vie des riverains, apprécie l’élu : « On voit aujourd’hui défiler des dizaines de milliers de véhicules, dont beaucoup de camions, qui passent sous les fenêtres des riverains. Demain, on aura une pollution visuelle qui sera enterrée à [6 m], mais également toute la pollution sonore qui l’accompagne, les pollutions atmosphériques. Donc on va réduire les nuisances sur les riverains. Et c’est un projet qui bénéficiera à tous les Saint-Quentinois, et même au-delà, puisque fluidifier la circulation, permettre des traversées plus simples vers les zones d’activités, ça fera du bien à tout le monde. […] Le futur plateau urbain permettra également de sécuriser et de favoriser les mobilités douces. »
« Pour Trappes, c’est un désenclavement, une meilleure qualité de vie », salue de son côté Jean-Michel Fourgous (LR), président de SQY et maire d’Élancourt, tandis que le président du Département, Pierre Bédier, loue un projet où « l’urbain [est] au service de l’humain, et pas l’humain au service de l’urbain ». Il rappelle que ce projet est aussi lié à l’abandon du prolongement de l’A12, ce qui « a fait qu’il est apparu que la RN 10 resterait l’autoroute ». « Et une autoroute qui traverse une ville, c’est une misère pour des habitants, et cette ville, en plus, est déjà très fracturée, en grande difficulté, en grandes tensions. Il est du devoir du Département de tout faire pour que l’on résorbe ces tensions et ces difficultés », souligne-t-il.
L’abandon du prolongement de l’A12, un projet qu’a aussi évoqué Valérie Pécresse (Libres/LR), présidente de la région Île-de-France : « Au-delà de l’A12, le sujet de recoudre Trappes, de ne plus avoir une ville qui soit traversée par cette saignée routière, qui est source d’énormément de nuisances pour les habitants […], c’était un impératif. »
Ainsi, la Région a accepté de signer un chèque de 40 millions d’euros, sur les 149 millions d’euros de coût global du projet (soit 27,47% de la somme). Un montant aussi pris en charge par l’État (45,69%), SQY (14,21%), le Département (10,52%), et la ville de Trappes (2,11%). Pour rappel, le coût global, il y a quelques années encore, était estimé à 95 millions, mais les coûts ont explosé (lire notre édition du 3 janvier 2024), en raison notamment des contraintes pyrotechniques, de la durée du chantier et de l’inflation. Mais depuis, pas de nouvelle envolée, « on tient les coûts, on tient les délais », assure le préfet des Yvelines, Frédéric Rose. Il salue un « projet extraordinaire » et « un défi technique impressionnant », grâce auquel « les gens vont pouvoir revivre à Trappes ».
CREDIT IMAGE 1 DiRIF / Chantiers Modernes Construction / ISC – i-Tech 3D